Par Ingrid Sapona    |    Temps de lecture : 22 minutes

Le présent numéro traite de deux sujets qui ont pris de l’importance dans la dernière année. Le premier article explore les avantages de l’obtention d’un titre professionnel en gestion des risques. Bien que celle-ci ait toujours été cruciale en assurance, la pandémie de COVID-19 a forcé les entreprises et les pouvoirs publics à porter une attention renouvelée au risque. L’article met donc l’accent sur le titre de CRM (Canadian Risk Management) en présentant la formation précieuse que ce titre reconnu permet d’obtenir et son utilité dans le cadre d’une carrière en assurance.

Le deuxième article porte sur les changements climatiques, en particulier les mesures prises par l’industrie des assurances pour réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. En 2019, plusieurs assureurs et réassureurs se sont engagés à ne conserver, dans leurs portefeuilles de placement, que les titres d’entreprises carboneutres. En juillet 2021, des compagnies d’assurance et de réassurance ont formé la Net-Zero Insurance Alliance en promettant de faire la même chose dans leurs portefeuilles de souscription. L’article insiste donc sur les stratégies d’appréciation du risque qui soutiennent une telle transition.

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Propulser sa carrière grâce au titre de CRM

« Les cabinets de courtage font le pont entre la souscription et la clientèle. Mieux on comprend le profil de risque de la clientèle, mieux on explique la situation de celle-ci aux gens de la souscription. » ―Sara Runnalls, vice-présidente en assurance des entreprises pour la région du Grand Toronto, Gallagher

Dans les deux dernières années, la gestion des risques a manifestement connu un regain d’intérêt. La pandémie a forcé les entreprises et les pouvoirs publics à se pencher sur divers risques jusqu’alors imprévus par nombre d’acteurs ou ignorés en raison de leur faible probabilité. Dans un article paru en avril 2020, Carol Fox, vice-présidente des initiatives stratégiques de la Risk Management Society, a émis l’opinion que la pandémie deviendrait un tournant pour les professionnels et professionnelles du risque.

Par ailleurs, l’accent renouvelé mis sur la gestion des risques s’explique aussi par le rétrécissement du marché de l’assurance.

Dans les mots du directeur de la gestion des risques et de la conformité d’une entreprise française de génie civil : « L’atténuation des risques est la priorité. Il faut faire tout en son pouvoir afin de réduire les risques. Dans un marché étroit, c’est la solution pour limiter les frais d’assurance. »

Dirk Wegener, président de la Federation of European Risk Management Associations, est du même avis. Il croit que « la gestion des risques entre dans une nouvelle ère » en raison du « double coup dur porté par la pandémie, qui cause des difficultés financières aux organisations, et par le marché de l’assurance, qui est de plus en plus étroit ».

Le titre de CRM

Nombre de professionnels et professionnelles de l’assurance considèrent l’obtention du titre de CRM (Canadian Risk Management) comme une démarche très rentable. Sara Runnalls, vice-présidente en assurance des entreprises pour la région du Grand Toronto chez Gallagher, pense que ce titre permet de propulser une carrière, surtout celle des courtiers et courtières en assurance des entreprises : « Selon moi, le titre de CRM présente trois avantages. D’abord, comme le risque est un concept fondamental en assurance, l’obtention du titre reflète l’attachement à l’industrie et, fait important aux yeux des employeurs, à la formation. Ensuite, les cours qui mènent à son obtention fournissent les bases nécessaires à la compréhension des risques faisant l’objet d’une souscription et à la présentation de la clientèle auprès des compagnies d’assurance. Enfin, les compétences acquises dans le cadre de ces cours favorisent la communication efficace avec la clientèle. »

« Les cabinets de courtage font le pont entre la souscription et la clientèle, précise Mme Runnalls. Mieux on comprend le profil de risque de la clientèle, mieux on explique la situation de celle-ci aux gens de la souscription. L’expertise en gestion des risques permet aussi de mieux expliquer les préoccupations de la souscription à la clientèle. Bref, on est en mesure de bien cerner les propos et les inquiétudes tant de la clientèle que de la souscription. La maîtrise des outils de contrôle et des principes de financement des risques s’avère également précieuse. Elle permet d’aider la clientèle à comprendre les facteurs qui sous-tendent la prime et à rendre son profil de risque intéressant du point de vue de la souscription. »

Brian Kelly, associé directeur de la gestion de risques, des institutions financières et des fusions et acquisitions à BFL Canada, considère qu’une formation traditionnelle en gestion des risques permet de comprendre tous les facteurs qui déterminent le coût d’un risque : « On passe beaucoup de temps à surveiller les frais d’assurance et à en discuter. Il faut plutôt s’attarder aux différentes techniques de contrôle et de financement des risques, qui influent de manière globale sur le coût total du risque. Les cours menant au titre de CRM misent sur la connaissance des éléments du coût total du risque, des méthodes de surveillance de ce coût, ainsi que des techniques faisant partie d’une approche concertée et éprouvée de gestion des risques. » M. Kelly détient les titres de CRM et de FRM (Financial Risk Manager).

Les occasions de services-conseils en gestion des risques

Lilli Chiu, vice-présidente adjointe et conseillère principale en gestion des risques à HUB International, détenait son titre de Professionnel en sécurité agréé du Canada et travaillait dans le domaine de la santé au travail avant d’entamer une carrière en assurance.

« Pour moi, l’obtention du titre de CRM était logique, car je savais que la formation me donnerait une excellente vue d’ensemble du domaine. Les cours portent sur la gestion, l’évaluation et le financement des risques – soit des concepts importants en assurance », explique Mme Chiu.

« Ma décision a aussi été profitable, ajoute-t-elle. Le titre renforce ma crédibilité professionnelle, en plus de témoigner de l’importance que j’accorde à la gestion des risques et à la connaissance des stratégies permettant d’aider ma clientèle à limiter l’incidence des risques sur ses objectifs d’affaires. »

Le rôle de Mme Chiu au sein de la division des services-conseils en gestion des risques de HUB International est différent d’un poste traditionnel dans un cabinet de courtage. « Nous fournissons des services-conseils en gestion des risques à la clientèle de HUB, explique-t-elle. Nos partenaires internes – les gestionnaires de compte et les intermédiaires d’assurance – nous demandent d’épauler la clientèle qui se retrouve dans des situations particulières, à différents moments. Nous intervenons parfois en cours de contrat ou juste avant le renouvellement, ou encore lorsqu’un incident ou un changement opérationnel survient. Nous nous efforçons de proposer des stratégies proactives de gestion des risques. À l’occasion, nous agissons en réaction à un sinistre majeur ou à un événement catastrophique, comme une pandémie ou un désastre naturel. » Même si la division conseille principalement la clientèle de HUB, elle offre en certains cas des services-conseils rémunérés à l’acte.

Lilli Chiu adore son secteur d’activité : « Mon expertise sert à différentes industries, et j’aime réellement travailler avec les gens et les entreprises. Mes mandats sont toujours variés. Ils comprennent la présentation de pratiques exemplaires en gestion des risques, l’évaluation et la recommandation de mesures de contrôle, le dégagement de tendances relatives aux réclamations et déclarations, la proposition d’améliorations générales des activités grâce à un contrôle proactif des risques et bien plus encore. Je dois sans cesse rester à l’affût pour m’assurer que tout le monde prend des décisions commerciales judicieuses et met en place des mesures de prévention des risques. »

Les entreprises sont heureuses de collaborer avec Mme Chiu. « Nous veillons à ce que les entreprises fassent de leur mieux, dit-elle. Il s’agit du volet “rentabilité” de notre proposition de valeur. Les entreprises acceptent nos services, car elles savent que nous avons à cœur leur intérêt – et non celui de la compagnie d’assurance. Prenons l’exemple d’une entreprise qui doit se préparer à une inspection par son assureur. Nous l’aidons à passer cette inspection en lui recommandant des mesures de contrôle adéquates, en rassemblant les documents requis et en l’informant des pratiques exemplaires. Les entreprises se rendent rapidement compte que nous sommes une ressource précieuse et estimée. »

Accompagner la clientèle dans un marché étroit

Le rétrécissement du marché de l’assurance a engendré son lot de défis. En raison de cette situation, une attention accrue est portée aux techniques et outils non traditionnels de gestion des risques.

« En ce moment, la clientèle compose parfois avec des rétentions accrues, davantage de restrictions, une capacité réduite et des primes élevées. C’est pourquoi il est très important de pouvoir communiquer à l’équipe de souscription l’excellence d’un particulier ou d’une entreprise », affirme Sara Runnalls.

« Pour y arriver, il faut expliquer au client ou à la cliente les mesures qui permettent d’éliminer ou d’atténuer les risques particulièrement défavorables du point de vue de la souscription, poursuit-elle. On peut aussi soupeser les autres options de transfert du risque, ainsi que décortiquer les clauses de subjectivité sur lesquelles l’assureur insiste ou les engagements formels que l’assureur exige. »

Lilli Chiu précise que l’équipe de courtage de HUB fait appel à la division des services-conseils en gestion des risques pour aider la clientèle à se présenter sous son meilleur jour auprès des assureurs : « En raison du marché étroit, les compagnies d’assurance mettent beaucoup de pression sur les intermédiaires et la clientèle. Les montants de garantie sont réduits, et certaines garanties ne sont pas offertes. Le processus de renouvellement devient de plus en plus difficile… tout comme l’obtention d’un contrat. C’est pourquoi l’équipe de courtage nous demande de participer au processus avant-renouvellement et de cerner les façons dont la clientèle peut gérer ses activités tout en mettant en place un programme durable de gestion des risques. Comme je l’ai déjà dit, nous défendons les intérêts de notre clientèle et lui présentons des méthodes de gestion qui favorisent la réalisation de ses objectifs organisationnels. »

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L’industrie des assurances pour la carboneutralité

« L’évaluation basée sur le risque s’appuie sur les données et la science, mais exige aussi un véritable savoir-faire. On utilise son jugement et on prend des décisions étayées par une combinaison des trois éléments : les données, la science et le savoir-faire. »―Susan Penwarden, cheffe de la production technique, Aviva Canada

La climatologie ne laisse planer aucun doute : le réchauffement climatique est proportionnel à la quantité de dioxyde de carbone relâché dans l’atmosphère par les activités humaines. En vertu de l’Accord de Paris de 2015, un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques, près de 200 pays ont accepté de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 °C (et de préférence à 1,5 °C) par rapport au niveau préindustriel. Pour que les signataires réalisent cet objectif, ils doivent réduire à zéro leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Par ailleurs, plus de 160 entreprises totalisant des actifs de 70 billions de dollars américains ont accepté d’unir « leurs forces derrière un objectif commun : orienter l’économie mondiale vers un objectif de zéro émission nette et réaliser les objectifs de l’Accord de Paris ».

Il est largement admis que les assureurs jouent un rôle majeur dans la transition vers la carboneutralité et l’atténuation des risques relatifs aux changements climatiques. Jusqu’à tout récemment, les discussions portaient surtout sur les activités de placement – soit sur les assureurs en tant que propriétaires d’actifs. On s’intéresse maintenant de plus en plus aux façons dont la souscription en assurance des entreprises influence l’atteinte des objectifs liés aux changements climatiques, voire accélère la transition (les contrats étant souvent établis pour une seule année à la fois).

La Net-Zero Asset Owner Alliance et la Net-Zero Insurance Alliance

En septembre 2019, des caisses de retraite et des compagnies d’assurance ont formé la Net-Zero Asset Owner Alliance (NZAOA). Elles reconnaissent ainsi qu’elles sont très vulnérables aux perturbations du système causées par les changements climatiques étant donné le long terme de leurs horizons et engagements de placement.

Cumulant plus de 6,6 billions de dollars américains en fonds sous mandat de gestion, les membres de l’alliance se sont engagés à ne conserver, dans leurs portefeuilles de placement, que des entreprises carboneutres d’ici 2050. Dans cette optique, ils produiront régulièrement des rapports sur leurs progrès et établiront des cibles intermédiaires (à intervalles de cinq ans) conformes à l’Accord de Paris.

En juillet 2021, l’Organisation des Nations Unies a créé la Net-Zero Insurance Alliance (NZIA). Celle-ci est composée d’assureurs et de réassureurs qui se sont engagés à ne conserver, dans leurs portefeuilles de placement, que les titres d’entreprises carboneutres d’ici 2050 (fait intéressant, les huit membres « fondateurs » de la NZIA font aussi partie de la NZAOA). Les membres établiront des cibles intermédiaires individuelles fondées sur la science (à intervalles de cinq ans) et produiront des rapports annuels sur leurs progrès.

Aviva fait partie des membres fondateurs de la NZIA. Susan Penwarden, cheffe de la production technique à Aviva Canada, représente la compagnie lors des réunions de l’alliance : « La NZIA est une tribune importante pour l’industrie. Soutenue financièrement par l’Organisation des Nations Unies, elle regroupe de grandes compagnies d’assurance et de réassurance. »

« Il s’agit d’un effort concerté, ajoute-t-elle. En plus des membres fondateurs, d’autres acteurs de l’industrie ont manifesté leur intérêt. On veut bien entendu que le plus d’assureurs possible s’engagent envers la carboneutralité. Par contre, on ne sait pas encore si l’alliance s’agrandira pour inclure d’autres joueurs. C’est encore trop tôt pour qu’on se prononce. »

Des organisations comme ShareAction, laquelle classe les compagnies d’assurance par rapport aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, soutiennent que les assureurs ont adopté une position plus ferme à l’égard de l’exclusion des combustibles fossiles de leurs portefeuilles de placement que de leurs portefeuilles de souscription. L’écart semble toutefois s’amenuiser, surtout en ce qui concerne les politiques sur le charbon. « On dirait bien que l’écart se referme, explique Peter Bosshard, coordinateur mondial d’Insure Our Future, une coalition d’organisations non gouvernementales. Par contre, certaines compagnies qui n’investissent plus dans le charbon continuent de souscrire ce risque. »

Susan Penwarden ne considère pas que la transition vers la carboneutralité est nécessairement plus facile à opérer du côté des placements effectués que des risques souscrits : « Selon moi, l’objectif de zéro émission nette n’est pas plus facile à atteindre dans le portefeuille de placement. Le processus d’engagement est tout simplement très efficace et précis grâce au programme visant à renforcer l’engagement en faveur du climat d’Aviva Investors. La démarche est moins bien définie en ce qui concerne le portefeuille de souscription, notamment la mesure de l’empreinte carbone. »

Bien que les deux volets (placement et souscription) fassent partie intégrante de l’industrie des assurances, le présent article se concentre sur la transition vers la carboneutralité du côté des risques souscrits.

La transition vers la carboneutralité

Les membres de la NZIA doivent trouver un moyen de respecter leur engagement envers la carboneutralité tout en faisant preuve d’équité à l’égard de leur clientèle. Les assureurs se demandent donc comment ils peuvent promouvoir une « transition juste ». Autrement dit, cessent-ils immédiatement ou graduellement de faire affaire avec les entreprises de certains secteurs?

« La question de l’équité préoccupe beaucoup l’industrie des assurances, soutient Susan Penwarden. Les assureurs veulent soutenir les entreprises et les secteurs tout au long de la transition. Bien qu’aucun échéancier n’ait été fixé, certains organismes de réglementation – comme celui du Royaume-Uni – ont établi les délais dans lesquels ils s’attendent à voir des progrès de la part des assureurs. Ces délais influeront sur la transition juste. »

Par exemple, des assureurs ont déjà annoncé une restriction des garanties consenties aux sociétés de combustibles fossiles. Zurich a déclaré qu’elle mettait fin aux contrats d’assurance des entreprises pour lesquelles son engagement dépasse les plafonds déjà annoncés dans les secteurs du charbon thermique, des sables bitumineux et des schistes bitumineux. Le Lloyd’s a fait savoir qu’il cesserait de vendre de l’assurance à certaines sociétés de combustibles fossiles d’ici 2030.

Le retrait de Zurich à titre d’assureur d’un producteur public d’électricité en Afrique du Sud illustre l’une des façons dont les compagnies d’assurance tentent de façonner une transition juste. Selon Frank Streidl, chef de l’énergie, du maritime et de la construction pour le Royaume-Uni à Zurich, ce retrait s’est fait progressivement sur deux ans pour que le client ait le temps de trouver de l’assurance ailleurs. « On ne laisse pas tomber les entreprises d’un coup, dit-il. Certaines sont fidèles depuis des décennies. D’ailleurs, elles n’ont en réalité rien fait de mal. Le but est d’arriver à une transition sans heurt. »

Alors que les assureurs délaissent les sociétés de combustibles fossiles, continueront-ils de leur fournir d’autres garanties comme l’assurance de la responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants et l’assurance de la responsabilité patronale? Par exemple, Zurich couvre encore la responsabilité patronale des entreprises qui dépassent les plafonds d’émissions. Par ailleurs, nombre de secteurs (transport maritime, aviation, construction, etc.) figurent parmi les grands émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre. Il reste à voir comment les compagnies d’assurance les traiteront.

Établir des cibles et relever les défis de la mesure des émissions

Les membres de la NZIA se sont notamment engagés à fixer des cibles et à faire rapport sur celles-ci. Depuis quelque temps, les propriétaires et gestionnaires d’actifs utilisent des méthodes de calcul de l’empreinte carbone. Cependant, en ce qui concerne la souscription, les méthodes sont encore en élaboration. De nombreux défis subsistent, dont l’absence de consensus sur les principes ou les cadres permettant de mesurer et de déclarer les émissions de gaz à effet de serre. Afin de résoudre ce problème, la NZIA a formé un groupe de travail.

Susan Penwarden souligne quelques-uns des défis qui entourent la mesure des émissions : « On doit tenir compte non seulement de la chose mesurée, mais aussi de la facilité avec laquelle on peut la mesurer. On doit ensuite analyser l’information qu’on tire du calcul. La plupart des spécialistes s’entendent pour dire qu’un consensus est idéalement nécessaire quant aux méthodes de calcul. Mais la réflexion vient tout juste de s’amorcer. Aviva collaborera de près à la définition de ces méthodes avec la NZIA. Dans cette optique, nous menons un projet pilote visant à dresser le portrait des émissions de gaz à effet de serre de notre portefeuille d’assurance. Nous pouvons difficilement fixer des cibles avant que ce projet soit terminé. Nous suivrons tout de même les pratiques et principes exemplaires qui cadrent avec notre vision, puis déterminerons des cibles fondées sur ceux-ci. »

Quant à la gouvernance interne entourant l’établissement des cibles et la déclaration des progrès, Aviva l’inscrit dans la production de rapports sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). « L’établissement de ce genre de cible est une stratégie de groupe sur laquelle travaille la direction, indique Mme Penwarden. La haute direction fixe les cibles. L’entreprise produit déjà des rapports sur les critères ESG, qui incluent l’établissement de cibles soutenant l’objectif zéro émission nette. »

Définir la stratégie de souscription pour atteindre la carboneutralité

Susan Penwarden définit l’orientation et la stratégie des activités de souscription en assurance des entreprises chez Aviva Canada. L’établissement d’une stratégie visant l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2040 – soit 10 ans plus tôt que la plupart des autres membres fondateurs de la NZIA – suppose de tenir compte des facteurs qui entraînent un changement dans la composition du portefeuille. « La propension au risque fait partie des éléments de notre stratégie de souscription, explique Mme Penwarden. Pour nous aider à atteindre la carboneutralité, nous avons revu notre appétence pour certains risques. Par exemple, d’ici 2022, nous n’assurerons plus les sociétés qui tirent plus de 5 % de leurs revenus du charbon thermique, à moins qu’elles soient signataires de l’initiative Science Based Targets. Nous appliquons également une stratégie de souscription des énergies renouvelables, c’est-à-dire que nous ciblons différentes énergies renouvelables et les industries sous-jacentes. Nous examinons aussi les améliorations de garantie que nous pouvons consentir aux entreprises ayant des véhicules électriques. Et nous évaluerons la possibilité d’assurer les nouvelles technologies de décarbonation. Un volet essentiel de notre stratégie consiste à discuter avec la clientèle afin de lui présenter notre objectif de zéro émission nette et de lui proposer des ajouts de garantie qui l’aideraient elle aussi à atteindre cet objectif. »

Favoriser la transition vers la carboneutralité grâce à la souscription

La souscription est en mesure de favoriser la transition vers la carboneutralité de différentes façons. En voici des exemples :
• Encourager les preneurs d’assurance à décarboner leurs activités
• Favoriser les modèles, les technologies et les comportements carboneutres grâce aux solutions d’assurance
• Harmoniser les processus de souscription pour atteindre la carboneutralité

Encourager les preneurs d’assurance

Les taux et les options constituent des moyens courants grâce auxquels les assureurs encouragent les particuliers et les entreprises à décarboner leurs activités. En voici quelques exemples :
• Taux réduits pour l’utilisation occasionnelle des véhicules personnels
• Primes réduites pour le choix d’options à faible teneur en carbone, comme l’achat d’un véhicule électrique
• Primes réduites pour l’adoption de comportements qui atténuent les émissions
• Options de compensation des émissions de gaz à effet de serre pour l’assurance voyage personnelle

Pour les clients dont les activités génèrent beaucoup de dioxyde de carbone, les assureurs combinent des taux élevés et des garanties restreintes. De telles mesures envoient un message clair aux fournisseurs de produits et de services, en plus de décourager d’autres entreprises de se lancer dans ce genre d’activités.

Aviva, qui a annoncé en mars 2021 qu’elle ferait valider ses activités par l’initiative Science Based Targets, encourage les entreprises qui tirent plus de 5 % de leurs revenus du charbon ou des combustibles fossiles non classiques à se joindre à cette initiative. Selon sa déclaration, d’ici la fin 2021, elle n’offrira plus certains types d’assurances aux entreprises qui n’y adhèrent pas.

Favoriser l’innovation grâce aux solutions d’assurance

Beaucoup sont d’accord que l’atteinte de la carboneutralité ne dépend pas seulement de la réduction des émissions : il faut également mettre en place de nouvelles technologies et infrastructures. L’assurance procure un mécanisme de gestion et d’atténuation des risques liés aux innovations technologiques.

La couverture au stade précoce de développement s’avérera particulièrement importante pour que les industries de captage, d’utilisation et de stockage du dioxyde de carbone attirent du capital, de l’expertise et l’intérêt. La souscription d’entreprises de nouvelles technologies accroît la confiance des investisseurs, ce qui favorise le déploiement à grande échelle de ces technologies. Par exemple, grâce à l’assurance d’exécution de contrat en cas d’insolvabilité, les investisseurs ont la certitude que les réclamations éventuelles au titre d’une garantie seront couvertes. Cette confiance réduit le coût du capital pour de telles entreprises.

Les produits novateurs, comme l’assurance paramétrique, qui règle les sinistres selon des paramètres prédéfinis, permettent aussi d’éviter les trous de garantie potentiels liés aux risques climatiques (la différence entre les pertes économiques totales et les pertes assurées découlant des changements climatiques) et d’encourager les flux de capitaux vers les nouvelles technologies. Les obligations catastrophes, basées sur des déclencheurs paramétriques, sont plutôt faciles à comprendre. Leur transparence attire un nombre croissant d’investisseurs institutionnels.

Bien entendu, le manque de données historiques sur lesquelles appuyer la tarification représente un défi pour la souscription. Par contre, dans les industries vertes qui existent depuis quelque temps (comme l’énergie éolienne en mer et l’énergie solaire), toute augmentation des sinistres peut refroidir l’ardeur des assureurs prudents. Ceux-ci, réticents à couvrir de tels projets, causent ce qu’on appelle le trou de garantie des entreprises vertes.

Susan Penwarden ne pense pas que les assureurs hésiteront à assurer les nouvelles technologies : « Mon expérience m’a appris que la plupart des assureurs sont naturellement curieux, alors ils voudront en apprendre plus sur les nouveautés. D’ailleurs, on peut faire l’appréciation d’un risque même s’il existe peu de données à son sujet. L’évaluation basée sur le risque s’appuie sur les données et la science, mais exige aussi un véritable savoir-faire. On utilise son jugement et on prend des décisions étayées par une combinaison des trois éléments : les données, la science et le savoir-faire. Alors que les assureurs s’aventurent dans de nouveaux secteurs, ils s’appuient sur ces éléments pour revoir leur propension au risque. Le savoir-faire regroupe la compréhension commune des assureurs, les données, la compétence interne, l’expertise externe comme l’ingénierie du risque, ainsi que la perspective de la clientèle et des partenaires. Une fois la nouvelle appétence déterminée, l’équipe de souscription reçoit des directives et de la formation au sujet de la propension au risque et de l’évaluation du risque afin d’apprécier les nouveaux risques. »

L’assurance joue également un rôle dans l’abandon et le déclassement de certaines infrastructures, surtout dans les industries des combustibles fossiles, et la restauration de sites. Ainsi, il faudra offrir des produits d’assurance qui couvrent l’assuré et les tiers dans le cadre des activités de déclassement et de restauration.

De même, l’industrie des assurances appuie la transition des entreprises vers la carboneutralité par l’intermédiaire des services-conseils en gestion des risques. En effet, les assureurs mettent à profit leur expertise pour épauler les entreprises dans la détermination, la mesure et la gestion d’une variété de possibilités et de risques liés à la transition.

Harmoniser les processus d’affaires pour atteindre la carboneutralité

S’ils veulent réaliser l’objectif de zéro émission nette, les assureurs doivent évaluer et harmoniser leurs pratiques de souscription. « Nous analysons l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement, décrit Susan Penwarden, c’est-à-dire que nous examinons les émissions de nos fournisseurs. Du côté de l’expertise des sinistres, l’idée circule qu’on peut mieux rebâtir en encourageant l’utilisation de matériaux qui résisteront mieux aux tempêtes éventuellement causées par les changements climatiques. »

Diverses améliorations du processus de réclamation peuvent réduire les émissions. Ainsi, en encourageant la réparation des pare-brise plutôt que leur remplacement, RSA aurait éliminé 1 500 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone. Parmi les autres améliorations possibles, notons la généralisation des rénovations d’habitations et d’usines avec des matériaux durables (décarbonés) et l’offre d’options vertes lors du remplacement de biens endommagés par un sinistre.

La transition vers la carboneutralité demande aussi la participation et la sensibilisation du personnel et des intermédiaires. « Nous disposons d’un plan centré sur les personnes, soutient Mme Penwarden. Ce plan, mis en œuvre par nos équipes des ressources humaines et de la durabilité, vise à informer les gens sur les efforts de décarbonation déployés par Aviva. Au Royaume-Uni, notamment, nous recueillons de l’information auprès du personnel quant aux garanties souhaitées ou nécessaires lorsqu’une personne achète un véhicule électrique. »

Par ailleurs, les assureurs qui tendent vers la carboneutralité doivent faire appel à des spécialistes de l’ingénierie et d’autres domaines scientifiques. Ces personnes pourront interpréter les données climatiques, modéliser les risques climatiques et évaluer les nouvelles technologies.

Selon Susan Penwarden, les assureurs chercheront à faire évoluer leur expertise et compétence au fur et à mesure que les portefeuilles de souscription se transformeront : « À l’occasion, on peut faire appel à de l’expertise externe, mais il faut aussi engager des spécialistes de l’ingénierie qui comprennent ce qu’on mesure et qui connaissent les nouvelles technologies. Le savoir-faire interne est crucial : l’équipe de courtage et la clientèle aiment discuter avec quelqu’un qui comprend leurs activités. C’est pourquoi nous devrons améliorer notre expertise. »

Les défis et les occasions

La mesure des émissions de dioxyde de carbone présente divers défis, tels que l’absence d’une méthode unique généralement reconnue. Par conséquent, les assureurs ont parfois de la difficulté à évaluer l’exactitude des allégations d’une entreprise. Des mécanismes de certification commencent à faire leur apparition, notamment le cadre Climate Transition Pathways annoncé plus tôt cette année par Willis Towers Watson et l’indice de référence des entreprises carboneutres élaboré par Climate Action 100+.

Bien que les défis entourant la transition soient manifestes, celle-ci présente aussi des avantages. Les antécédents de certaines classes de combustibles fossiles montrent que les assureurs ont essuyé des pertes d’environ 60 milliards de dollars américains sur plus de 30 ans. En plus d’aider les assureurs à atteindre leur objectif de zéro émission nette, l’abandon de ces activités entraînerait potentiellement des économies de dizaines de milliards de dollars.

Par ailleurs, les estimations quant à la portée des nouvelles industries nécessaires à la carboneutralité sont stupéfiantes : des spécialistes sont d’avis qu’en 2050, l’industrie de la décarbonation atteindra la taille de l’industrie pétrolière et gazière d’aujourd’hui.

Bref, il vaut mieux jeter un regard positif sur la situation. La transition vers la carboneutralité n’est pas un retrait de certains secteurs, mais simplement un virage dans le portefeuille d’affaires.

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