Par Ingrid Sapona | Temps de lecture : 20 min
Dans le présent numéro, nous traitons des choix que les gens d’assurance peuvent faire et des parcours qu’il leur est possible d’envisager afin de mener une carrière enrichissante au sein de l’industrie. Dans notre premier article, nous abordons la spécialisation des courtières et des courtiers. Nous nous sommes entretenus avec trois courtiers sur les raisons qui les ont amenés à se spécialiser, et leur avons demandé quels conseils ils avaient à donner aux personnes qui songent à opter pour une spécialisation. Dans le deuxième article, nous examinons de plus près le travail des agentes et agents généraux principaux (AGP) et explorons deux modèles d’affaires différents adoptés par des AGP.
La spécialisation des courtières et des courtiers
Lorsqu’un cabinet de courtage souhaite faire l’acquisition de votre entreprise spécialisée, il vous faut vous demander si l’acheteur éventuel s’intéresse réellement à votre expertise ou s’il veut simplement prendre possession de votre portefeuille d’affaires. ― Andrew Robertson, vice-président directeur, Gallagher Skipper’s Plan
Au cours des dernières années, il a été beaucoup question dans les médias de la spécialisation des personnes œuvrant dans le domaine du courtage d’assurance. Selon un sondage publié en 2018 dans la revue Canadian Underwriter et réalisé auprès de plus de 800 courtières et courtiers œuvrant en assurance de dommages partout au Canada, 88 % des répondantes et répondants se sont dits en accord avec l’affirmation suivante : « Les courtiers devraient se spécialiser davantage pour demeurer au fait des changements technologiques et des nouveaux modèles de vente. » (Ce sondage a été réalisé de nouveau depuis, en 2019 et en 2020, et les courtières et courtiers se sont encore une fois déclarés en accord avec l’affirmation, dans un pourcentage de 87 % et 84 % respectivement; à noter que le sondage de 2020 a été effectué dans le contexte de la pandémie.)
Les intervenantes et intervenants du milieu n’ont cependant pas toujours vu la spécialisation des courtiers d’un bon œil. Lorsqu’on lui a demandé son opinion sur les résultats du sondage, Michael Loeters, ancien président du Toronto Insurance Council, a répondu ce qui suit : « Nos gens ont de tout temps été réticents à restreindre leurs activités à un seul domaine, de peur de rater des occasions. Mais le marché s’étant complexifié, les clientes et clients s’attendent désormais à ce que leur courtier se présente à eux en possédant d’emblée une compréhension approfondie des risques particuliers auxquels ils sont exposés, pour être en mesure d’élaborer un programme d’assurance adéquat. Et cela nécessite une spécialisation. »
Pour celles et ceux qui sont d’avis qu’il devient de plus en plus difficile d’avoir à se tenir au courant des risques toujours changeants auxquels sont exposées une multitude d’industries, la spécialisation signifie que les courtiers n’auront plus à acquérir un minimum de connaissances sur une vaste gamme d’industries.
La courtière ou le courtier qui possède des connaissances approfondies dans un domaine spécialisé est mieux en mesure de fournir des conseils éclairés à sa clientèle. Du point de vue du marketing, la spécialisation constitue un moyen de se démarquer des autres cabinets de courtage.
Au Canada, en assurance de dommages, on trouve des courtières et courtiers qui se spécialisent dans des domaines liés à l’assurance des particuliers et d’autres qui optent pour l’assurance des entreprises. Il existe aussi de petits cabinets de courtage qui se concentrent sur un marché de niche ainsi que d’importants cabinets qui comptent plusieurs services spécialisés.
Domaine de spécialité : la navigation de plaisance
Pendant des années, Robertson & Robertson a été le cabinet de courtage par excellence pour les plaisanciers de la région de Toronto. Andrew Robertson, vice-président directeur de Gallagher Skipper’s Plan, a dirigé l’entreprise familiale qui est devenue en 2013 un service spécialisé de la société Gallagher. Passionné de voile, M. Robertson s’est joint à l’entreprise familiale en 1993, et il est fier d’admettre qu’il aime être considéré comme un spécialiste : « Je travaille dans ce domaine depuis 28 ans, et toute ma carrière a été uniquement consacrée à l’assurance des bateaux de plaisance. »
Le grand-père de M. Robertson était un courtier qui s’occupait principalement d’assurance des transports dans le domaine agricole, dans les années 1940. Il consacrait toutefois ses temps libres aux bateaux; dans l’entrée de son garage, il a construit un mini-croiseur en bois de sept mètres à partir d’un modèle de la société Chris-Craft. Avant de mettre l’embarcation à l’eau, il s’est dit qu’il faudrait l’assurer.
« Il a vite compris qu’il lui serait impossible de se procurer une protection adéquate, raconte M. Robertson. À l’époque, la meilleure chose que l’on pouvait trouver sur le marché était un avenant annexé à un contrat d’assurance du propriétaire occupant. Il a donc créé ce qui allait devenir notre volet consacré à l’assurance des plaisanciers. Son passe-temps est devenu une véritable passion, et il a plongé dans l’univers de la navigation. » Lorsque le père de M. Robertson, qui était aussi un adepte des bateaux à moteur, s’est joint à l’entreprise paternelle, cette dernière est devenue le seul cabinet de courtage en Ontario entièrement consacré à l’assurance des bateaux de plaisance.
Au lendemain du décès de son père, M. Robertson a voulu faire prendre de l’expansion à l’entreprise, c’est-à-dire en faire un cabinet de courtage d’envergure nationale. Robertson & Robertson a donc été acquis par la société CG&B, un cabinet de courtage exerçant ses activités à l’échelle nationale. Puis, en 2013, le cabinet Gallagher, qui souhaitait mettre sur pied un service spécialisé en navigation de plaisance, a fait une proposition à CG&B, puis en a fait l’acquisition en 2014. « Lorsqu’un cabinet de courtage souhaite faire l’acquisition de votre entreprise spécialisée, il vous faut vous demander si l’acheteur éventuel s’intéresse réellement à votre expertise, ou s’il veut simplement prendre possession de votre portefeuille d’affaires, dit M. Robertson. Il importait pour moi que l’entreprise acquéreuse tienne à maintenir le service et à continuer à servir notre clientèle. »
Pour M. Robertson, l’un des principaux avantages d’avoir joint les rangs de Gallagher, une entreprise d’envergure internationale, est qu’il est désormais en mesure d’offrir un meilleur service à sa clientèle. « Les différents bureaux de Gallagher situés un peu partout dans le monde collaborent les uns avec les autres, explique-t-il. Par exemple, si l’un de mes clients achetait un bateau et en prenait possession quelque part en Europe, je n’avais auparavant aucun moyen de l’épauler. Mais comme Gallagher a une présence mondiale, je peux dorénavant apporter un soutien à ma clientèle dans ce genre de situation. »
Domaine de spécialité : les transports
Joe Palmer, vice-président directeur, assurances des transports chez Gallagher, s’est toujours avant tout intéressé à l’assurance des entreprises. « Depuis mes débuts dans l’industrie, je me suis toujours considéré comme un spécialiste en assurance des camions longue distance », dit-il. À l’instar de M. Robertson, il a fait ses premiers pas dans cette spécialité particulière de l’industrie de l’assurance par l’intermédiaire de son père et de son grand-père. « Mon grand-père travaillait dans l’industrie du camionnage, à transporter des pommes de terre et des frites congelées pour la société McCain, raconte-t-il. En 1976, mon père a ouvert son cabinet de courtage et s’est peu à peu spécialisé dans le secteur du camionnage parce qu’il s’agissait d’une industrie qu’il connaissait et qu’il comprenait. C’est grâce à sa connaissance de l’industrie du camionnage que son entreprise a pu prendre son essor. »
« Mon père a vraiment été mon mentor, dit-il. J’ai vu à quel point il connaissait le secteur et comment il traitait avec sa clientèle et lui apportait son soutien, et cet univers m’a plu. » Lorsqu’il a été en âge de travailler, il a commencé à travailler pour son père pendant l’été, accomplissant diverses tâches au cabinet de courtage. « Quand j’ai compris que j’aimais vraiment la vente, il est devenu évident que l’assurance allait m’intéresser », précise-t-il.
Lorsque M. Palmer s’est joint à l’entreprise familiale située au Nouveau-Brunswick, en 2003, celle-ci exerçait déjà environ 85 % de ses activités dans le domaine des transports. En 2015, l’entreprise a vendu la totalité de son portefeuille d’assurance des particuliers afin de se consacrer entièrement à l’assurance des transports. M. Palmer cherchait des façons de faire progresser l’entreprise et d’apporter un meilleur soutien à la clientèle; il a donc fait l’acquisition d’une entreprise de sécurité et conformité. « Il s’agissait d’une entreprise unique en son genre à l’époque, parce que la plupart des courtiers ne cherchaient pas à apporter ce type de soutien à leur clientèle, explique-t-il. Si un client rencontrait des difficultés sur le plan de la sécurité et de la conformité, il pouvait parfois obtenir de l’aide auprès de son assureur ou d’un consultant. Nous avons décidé d’offrir ce service parce que nous étions d’avis qu’il représenterait une réelle valeur ajoutée. »
En 2018, Gallagher cherchait à mettre en place un service spécialisé en assurance des transports et a fait une proposition en ce sens à M. Palmer. Celui-ci a dû réfléchir quelque temps avant de décider de se joindre à Gallagher, mais il est heureux d’avoir pris cette décision. « Après avoir mené l’entreprise à un certain niveau, j’ai compris que pour accéder à de nouveaux marchés et mieux servir ma clientèle, il vaudrait mieux pour moi faire partie d’une entreprise de plus grande envergure, dit-il. Mais le principal avantage de constituer une branche d’assurance spécialisée au sein d’une grande entreprise est que je peux dorénavant mieux me concentrer sur ce que j’aime vraiment, c’est-à-dire servir mes clients, plutôt que passer une bonne partie de mon temps à m’occuper des tâches quotidiennes qui vont de pair avec l’exploitation de sa propre entreprise. » Chez Gallagher, M. Palmer est toujours responsable d’un portefeuille d’assurance dans les provinces de l’Atlantique et occupe le poste de directeur national des pratiques, dans le secteur des transports.
Domaine de spécialité : les vignobles
David Harder, CIP, CAIB, associé chez Hope & Harder Insurance Brokers Inc., dans la région du Niagara, se décrit comme un courtier d’assurance d’une petite ville de l’Ontario. Quand on lui demande s’il est spécialisé, il hésite à répondre. « Pour tout dire, il est très difficile de se spécialiser dans quelque domaine que ce soit quand on est courtier dans une petite ville. » Mais il y a quelques années, à l’époque où j’écrivais un article sur l’assurance des vignobles, bon nombre de vignerons ontariens recommandaient chaudement le cabinet Harder, affirmant qu’il connaissait mieux le domaine que la plupart des autres courtiers.
Quand on insiste, M. Harder admet avec réticence être un spécialiste des vignobles, mais il s’empresse d’ajouter : « Nous assurons de 350 à 400 entreprises agricoles dans la région, et nous couvrons aussi un grand nombre de vignobles, mais nous devons également faire autre chose pour pouvoir survivre, affirme-t-il. Si nous n’offrions nos services qu’à des fermes et des vignobles, nous ferions faillite. Comparativement à la clientèle d’autres domaines de spécialisation des courtiers, comme les garages ou les concessionnaires, les vignobles sont relativement peu nombreux, et la plupart d’entre eux sont de petites entreprises, qui versent des primes variant entre 2000 et 3000 $. »
Le père de M. Harder a ouvert un cabinet de courtage en 1954 à Vineland, en Ontario, une région agricole située au cœur de la péninsule du Niagara. Vineland est surtout connue pour ses cultures de fruits fragiles et de raisins. Vu l’emplacement du cabinet de courtage, il était tout naturel qu’il offre ses services à des entreprises agricoles, et la réussite ne s’est pas fait attendre. Quand M. Harder a atteint l’âge où l’on commence à se demander ce qu’on veut faire pour gagner sa vie, il s’y connaissait déjà un peu en assurance et, tout comme MM. Robertson et Palmer, il a compris les avantages qu’il y aurait à joindre l’entreprise familiale.
Au milieu des années 1970, quelques entrepreneurs de la région du Niagara ont commencé à faire pousser des vignes de la variété vinifera (la variété européenne la plus répandue dans le domaine de la fabrication du vin). La société Inniskillin Wines a été le premier vignoble à ouvrir ses portes, à Niagara-on-the-Lake, et on connaît la suite. (L’appellation Niagara Peninsula englobe aujourd’hui plus de 90 vignobles.) Il se trouve qu’Inniskillin a été le premier vignoble que M. Harder a assuré. « Mon père comptait parmi ses clients une pouponnière et m’avait demandé de me charger du renouvellement du contrat d’assurance de cette petite entreprise, relate-t-il. Avant que je me rende chez le client, mon père m’a mentionné avoir entendu dire que ce dernier prévoyait exploiter un vignoble et m’a suggéré de lui en parler afin de savoir s’il souhaitait obtenir une soumission. J’ai ensuite appris que ce client avait déjà commencé à exploiter son vignoble et qu’il s’était assuré par l’entremise d’un autre courtier. Mais au moment du renouvellement du contrat, c’est moi qui ai pris la relève. Je me suis occupé du vignoble jusqu’à ce qu’il soit vendu, mais la famille fait toujours partie de ma clientèle. »
Lorsqu’on lui demande pourquoi, selon lui, un aussi grand nombre de vignobles fait aujourd’hui partie de sa clientèle, M. Harder explique les choses comme suit : « Je crois que c’est parce que j’ai une compréhension à la fois de l’aspect agricole et de l’aspect commercial du métier. De plus, je sais de quelles protections ils ont besoin et je connais les compagnies d’assurance qui peuvent fournir les garanties adéquates. Je crois que c’est cela qui a contribué à bâtir notre réputation et que c’est la raison pour laquelle les intervenants de l’industrie nous recommandent. » M. Harder ajoute que la plupart de ses clients du domaine viticole sont venus à lui à la suite d’une recommandation.
Le choix d’une spécialité
Comme pour tout choix de carrière ou de projet d’entreprise, lorsque vient le temps d’opter pour un domaine de spécialisation, il importe de tenir compte d’un certain nombre de facteurs. Dans le cas de nos trois courtiers, on aurait tendance à penser que leur choix a davantage porté sur l’opportunité de joindre l’entreprise familiale que sur la pertinence d’opter pour la spécialisation et, le cas échéant, sur le domaine qui serait le plus approprié. Bien qu’il ait été avantageux pour eux d’avoir été exposés à l’industrie de l’assurance et à un domaine spécialisé grâce à l’entreprise familiale, il reste que leur réussite professionnelle tient au fait qu’ils sont tous passionnés par l’univers dans lequel ils exercent leur métier.
« Si vous cherchez à vous spécialiser, il vous faut trouver un domaine qui vous passionne et ne pas simplement réfléchir à votre choix à partir de considérations liées à l’assurance, dit M. Robertson. Vous devriez concevoir votre spécialisation comme un moyen de servir la communauté. Il vous faut siéger au conseil d’administration d’associations œuvrant dans le secteur qui vous intéresse et chercher des façons d’améliorer les choses dans ce secteur, au bénéfice de tous. En étant actif au sein de cette communauté, vous en apprendrez davantage sur ses activités et sur les occasions qui pourraient se présenter à vous. Soyez proactif et essayez d’obtenir un portrait général du secteur, et non seulement des aspects se rapportant à l’assurance. »
Même si M. Robertson a œuvré en assurance des particuliers pendant toute sa carrière, il admet que « si c’était à refaire, [il] considérerait les choses un peu différemment et choisirait une spécialité en assurance des entreprises, car ce domaine recèle davantage de possibilités de carrière ». M. Palmer abonde dans le même sens : « Quand il s’agit de conseiller les gens qui songent à opter pour une spécialité, je crois nécessaire de préciser qu’il y a plus de possibilités en assurance des entreprises. » Il ajoute qu’il faut également « tenir compte du type de clientèle propre au domaine et se demander si cette clientèle serait suffisante ».
M. Harder admet sans hésiter qu’il ne prévoyait pas au départ devenir un spécialiste dans le domaine de la viticulture. Mais au fur et à mesure que les entreprises agricoles et agroalimentaires de ses clients évoluaient, il s’est rendu compte que leurs besoins changeaient et il s’est demandé quelle serait la meilleure façon de répondre à leurs besoins. « En fait, on pourrait presque dire que notre entreprise n’a pas eu le choix, dit-il. Nos clients qui commençaient à exploiter des vignobles ou qui achetaient des fermes afin d’en faire des vignobles avaient besoin d’assurance. Mais ce hasard a assurément mené à la réussite. »
Son intérêt pour le vin a tout de même été un atout. « J’imagine que je dois, du moins en partie, l’intérêt que je porte au vin à mon jeune frère, qui est allé étudier la viticulture en Allemagne, raconte M. Harder. Lorsqu’il est revenu à Niagara pour travailler dans l’industrie viticole, il m’a incité à délaisser la bière au profit du vin. » Étant donné qu’il vit et travaille dans la région des vins, M. Harder assiste souvent à des événements organisés par l’industrie vinicole, où il peut apprendre toutes sortes de choses afin de mieux soutenir sa clientèle. « Nous voulons être en mesure d’aider nos clients, alors j’essaie d’assister à des dîners réunissant des vinificateurs et d’autres rencontres du genre, car je tiens à être là pour eux, ajoute-t-il. Mais honnêtement, je ne considère pas vraiment ces activités comme du travail, car je m’y plais beaucoup! Par ailleurs, j’aimerais ajouter que la plupart des gens de l’industrie sont vraiment gentils et font preuve d’une grande loyauté. Je me trouve très chanceux. »
L’expérience acquise en assurance ou dans d’autres domaines
Si MM. Palmer et Robertson ont beaucoup appris au sujet de leur domaine de spécialité grâce à l’entreprise familiale, ce qui n’est pas donné à tout le monde, il est intéressant de voir ce qu’ils recherchent en termes de formation et d’expérience chez les personnes qu’ils embauchent au sein de leur entreprise. « J’ai tendance à accorder davantage d’importance à l’expérience dans le domaine des transports, comme chez les personnes qui ont travaillé au service à la clientèle d’une entreprise de camionnage, dit M. Palmer. Nous pouvons donner à notre personnel une formation professionnelle en assurance, mais les personnes qui connaissent déjà l’industrie du camionnage représentent un réel atout. »
M. Robertson recherche des candidates et candidats qui « comprennent la culture entourant la navigation de plaisance, par exemple des gens qui connaissent les différences entre la navigation sur la côte Est la navigation sur les Grands Lacs ». Il ajoute qu’il est plus facile pour lui d’enseigner aux nouveaux venus les notions relatives à l’assurance que de leur expliquer en quoi consiste l’univers de la navigation. Il n’a pas de chiffres exacts à l’appui, mais il affirme que les personnes qu’il a embauchées et qui possédaient de l’expérience dans le domaine de la navigation sont demeurées à son service très longtemps, tandis que les jeunes courtiers qui n’avaient aucune expertise particulière ont rapidement quitté l’entreprise afin de relever d’autres défis, surtout en assurance des entreprises.
Y a-t-il des désavantages à la spécialisation?
Selon M. Robertson, le désavantage de la spécialisation, dans le domaine des bateaux de plaisance, est que la réussite professionnelle d’un cabinet de courtage dépend de la santé d’une autre industrie. « Les affaires sont florissantes pour nous lorsque l’industrie des bateaux de plaisance va bien, explique-t-il. L’année 2020 en est un parfait exemple. L’industrie de la navigation de plaisance a eu le vent dans les voiles pendant la pandémie de COVID-19 parce que les gens ont bénéficié d’un revenu personnel disponible plus élevé, notamment du fait qu’ils n’ont pas pris de vacances. Par conséquent, lorsque les marinas ont rouvert, à la fin du printemps, bien des gens ont décidé de s’acheter un bateau! En revanche, lorsque survient un événement inattendu qui a une incidence sur la navigation de plaisance, comme l’imposition des tarifs douaniers sur l’aluminium, mon entreprise connaît un ralentissement, dit-il. Lorsque vos activités sont très spécialisées, il vous faut composer avec les forces du marché. Étant donné que la plupart des bateaux sont construits à l’étranger, aux États-Unis ou en Europe, les taux de change ont aussi d’importantes répercussions sur notre industrie. »
L’incidence d’un marché étroit sur les cabinets de courtage spécialisés
S’il est risqué de généraliser en ce qui a trait à l’incidence d’une période de marché étroit sur l’assurance spécialisée, M. Palmer admet que la période de marché étroit que nous traversons actuellement a eu jusqu’ici des effets positifs sur son entreprise. « La période nous a été favorable à certains égards, dit-il. Étant donné que nous sommes une entreprise spécialisée, nous avons établi des relations avec tous les principaux assureurs, ce qui nous place en meilleure position que bien d’autres courtiers pour trouver des solutions. Et bien sûr, nous apprécions les augmentations de primes, mais cela ne durera pas éternellement. Le plus important avantage d’un marché étroit est que nous sommes mieux placés pour aider les entreprises qui éprouvent des difficultés avec leur assureur. Il me faut également mentionner qu’une année comme 2020, qui a été pour moi l’année la plus occupée depuis que j’ai débuté dans l’industrie, entraîne son lot de stress. Nos clients sont mécontents de l’augmentation des taux, ce qui nous force à avoir avec eux de nombreuses conversations difficiles. Mais ainsi va la vie. »
Les agentes et agents généraux principaux
« Un courtier spécialisé peut mettre sur pied un syndicat afin de couvrir un risque en particulier, mais contrairement à ce courtier, l’agent général principal peut faire de même sans être tenu d’en informer l’assureur. »― Mark Woodall, président et chef de la direction, Special Risk Insurance Managers
Les agents généraux principaux constituent des intervenants particuliers dans l’industrie de l’assurance, en ce sens qu’ils ne sont ni des courtiers, ni des assureurs. Mark Woodall, président et chef de la direction de la société Special Risk Insurance Managers (SRIM), les décrit comme des quasi-compagnies d’assurance. « Les compagnies d’assurance nous confèrent le pouvoir de procéder à la souscription, explique M. Woodall. Ce qui est avantageux pour les compagnies dans ce que nous proposons, c’est que nous possédons l’expertise nécessaire à l’appréciation et à la gestion des risques, alors nous pouvons faire tout cela pour eux. »
Une relation fondée sur la délégation de pouvoir se forme lorsqu’un assureur autorise une autre partie à agir en son nom, que ce soit au chapitre de l’appréciation des risques ou à celui du règlement des sinistres.
Les AGP présentent une autre particularité : ils ne sont pratiquement pas réglementés parce qu’ils ne sont ni des courtiers, ni des assureurs. Le chef de la direction de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF) fait remarquer que l’organisme n’est pas habilité à octroyer des permis aux AGP. Toutefois, certaines provinces exercent un contrôle des activités des AGP. En Alberta, par exemple, les AGP doivent obtenir un certificat auprès de l’Alberta Insurance Council.
Les AGP spécialisés
Certains AGP n’exercent leurs activités que dans certains domaines spécialisés, après que les assureurs qui s’en chargeaient précédemment s’en soient retirés du fait d’une fusion ou d’une acquisition. « Pour les assureurs, les AGP constituent des canaux de distribution, explique M. Woodall. S’il existe 900 cabinets de courtage au Canada et que 400 d’entre eux collaborent avec un assureur de grande envergure, cet assureur peut-il se permettre de faire affaire avec les 500 autres? L’assureur peut distribuer ses produits par l’entremise des AGP sans aucun coût fixe additionnel. De même, si un assureur souhaite vendre de l’assurance dans un domaine spécialisé en particulier, il peut embaucher un souscripteur et lui fournir une formation dans ce domaine ou collaborer avec un AGP spécialisé. Par exemple, il existe probablement seulement environ 10 souscripteurs au Canada qui possèdent une expertise dans le domaine des sports. Trois d’entre eux travaillent chez SRIM, et cette situation prévaut depuis une vingtaine d’années. Les assureurs qui font appel à SRIM n’ont qu’une simple commission à verser. »
Rowan Saunders, président et chef de la direction d’Assurance Economical, s’est exprimé sur le sujet en 2019, lors de la conférence de l’Association des courtiers d’assurances de l’Ontario (IBAO), à Toronto. Il voit deux raisons expliquant pourquoi les intervenantes et intervenants de l’industrie de l’assurance de dommages peuvent vouloir faire appel à des AGP. L’une de ces raisons est de profiter d’une expertise que le courtier de détail ne possède peut-être pas. « De plus, ajoute-t-il, je crois que si vous n’avez pas de réseau de distribution, [le recours à un AGP] constitue un excellent moyen de distribuer vos produits. Mais si vous faites partie des 10 plus grandes entreprises, vous possédez certainement [déjà] un important réseau de distribution. La plupart du temps, ce sont les courtiers qui se chargent alors de la distribution. »
Il est utile de garder à l’esprit la différence entre un AGP et un courtier possédant de l’expertise dans un domaine spécialisé : le courtier spécialisé consulte différentes compagnies d’assurance en vue de placer les risques, tandis que l’AGP possède l’expertise recherchée et le pouvoir d’engager l’assureur.
Lorsqu’un AGP représente plus d’un assureur, il peut combiner le pouvoir que lui ont accordé ces assureurs afin de couvrir un risque dont le montant excède les limites du pouvoir conféré par un seul assureur. « Un courtier spécialisé peut mettre sur pied un syndicat afin de couvrir un risque en particulier, mais contrairement à ce courtier, l’agent général principal peut faire de même sans être tenu d’en informer l’assureur », dit M. Woodall.
Dans l’industrie de l’assurance, on a recours aux syndicats afin de répartir le risque entre plusieurs compagnies.
Pour savoir comment procéder afin de trouver un AGP spécialisé dans un domaine en particulier, M. Woodall dit qu’il existe des listes que les courtiers peuvent consulter. Il prévient, toutefois, qu’il n’existe aucune façon de vérifier si un AGP est réellement spécialisé dans un domaine donné.
Il est difficile de trouver des renseignements sur le pourcentage d’assurance placé par le biais des AGP. Heather Masterson, présidente et cheffe de la direction de Travelers Canada, a dit lors d’une conférence, en octobre 2019, qu’au Canada, selon ses estimations, de 10 à 15 % des assurances sont placées par le biais des AGP. M. Woodall ne sait pas quel pourcentage d’assurance est placé par l’entremise des AGP, mais il croit que ce pourcentage est en hausse. « Disons qu’au cours des 25 années au cours desquelles nous avons exercé nos activités, notre chiffre d’affaires est passé de 0 la première année à 130 millions l’an dernier, dit-il. Je dirais qu’il existe 10 AGP qui émettent plus de 100 millions de dollars en primes chaque année, et que les primes totales émises au Canada s’élèvent à plus de deux milliards, alors ça vous donne un portrait de la situation. »
M. Woodall croit que les services offerts par les AGP sont particulièrement pertinents dans les périodes de marché étroit, et que les AGP seront de plus en plus présents, car le nombre de compagnies d’assurance diminue. « Le marché s’est rétréci en raison des prix trop bas, affirme-t-il. Un trop grand nombre d’AGP et de petites compagnies d’assurance ont essayé de vendre de l’assurance à peu de frais et ils commencent à récolter les conséquences de leurs actions. Nous devons maintenant corriger les erreurs qui ont été commises au cours des cinq dernières années. Une séparation est en train de s’effectuer au sein du marché de l’assurance, et cela représente une occasion exceptionnelle pour nous. Mais les AGP qui manquent de professionnalisme et qui n’ont pas les compétences qu’il faut font l’objet d’un examen de la part des compagnies d’assurance, et certains d’entre eux sont évincés du marché. »
Les AGP qui misent sur la technologie
Alors que de nombreux AGP se concentrent sur certains domaines afin d’offrir des produits spécialisés, on constate également l’émergence d’AGP qui offrent aux courtiers des solutions fondées sur la technologie (les assurtechs). « Les AGP apportent avec eux de nombreuses innovations, dit Marco Andolfatto, directeur de la souscription chez APOLLO Insurance Solutions, Ltd. APOLLO fournit aux courtiers indépendants des produits d’assurance au moyen d’une plateforme logicielle polyvalente. L’entreprise se concentre sur les garanties restreintes ou pointues offertes aux particuliers et aux entreprises, qui constituent des produits souvent difficiles à fournir de façon rentable.
« La valeur ajoutée que nous offrons à nos courtiers partenaires consiste à leur donner les moyens d’obtenir des soumissions et de fournir des assurances à leurs clients en quelques minutes seulement, dit M. Andolfatto. Nous livrons des produits d’assurance par l’entremise d’un marché en ligne : les courtiers peuvent accéder à notre portail de courtage, l’APOLLO Exchange, et vendre immédiatement de l’assurance ou tout simplement obtenir des soumissions. Notre processus est efficient, cohérent et rapide, parce que nous procédons à la souscription par le biais d’un algorithme. Quand on y pense, la souscription consiste en une série de décisions logiques relatives à la sélection des risques, à la tarification et au choix des garanties. Toutes ces actions peuvent être programmées au moyen d’un algorithme afin de créer un processus automatisé, et c’est précisément ce que nous avons fait. »
APOLLO offre un autre produit, appelé Launchpad, qui permet aux courtiers de vendre de l’assurance directement à partir de leur site Web. « Nous installons notre gamme de produits sur le site Web des courtiers en conservant leur image de marque, explique M. Andolfatto. Il s’agit d’un processus extrêmement simple pour les courtiers : leur clientèle n’a qu’à accéder à leur site pour se procurer nos produits d’assurance. Launchpad constitue essentiellement une solution clés en main semblable au logiciel Shopify, conçue spécifiquement pour nos courtières et courtiers partenaires. Quand un courtier devient partenaire d’APOLLO, cela signifie qu’il peut commencer à fournir des soumissions et vendre de l’assurance à partir de son propre site Web, moyennant un investissement minimal. »
La principale valeur ajoutée qu’APOLLO offre à ses assureurs partenaires réside dans la collecte d’une série de données pertinentes. « Nous recueillons à partir de notre portail toutes les données de souscription de l’ensemble des proposantes et proposants, explique M. Andolfatto. Par exemple, supposons que l’algorithme de souscription rejette la proposition présentée par une entreprise. Nous pouvons déterminer avec exactitude le renseignement fourni dans la proposition qui a entraîné ce rejet. Supposons que nous constations que 13 % des propositions en assurance des entreprises sont rejetées en raison d’une réponse positive à la question suivante : “Exercez-vous des activités de vente d’assurance aux États-Unis?” Une fois que nous savons cela, nous pouvons introduire de nouvelles questions dans l’application afin d’obtenir des renseignements plus précis sur la nature des ventes effectuées aux États-Unis par l’entreprise, car il est possible que certains types de ventes, ou leur volume, correspondent à des risques que nous sommes prêts à accepter. Une fois un nouveau critère de souscription établi, nous pouvons évaluer les antécédents en matière de sinistres qui sont acceptables en fonction de ce critère. En d’autres mots, APOLLO peut fournir à ses assureurs partenaires une meilleure compréhension des risques acceptés, rejetés et tarifés que ce qu’ils obtiendraient auprès d’entreprises ayant recours aux méthodes plus traditionnelles. De plus, grâce à ces données, nous pouvons en savoir davantage sur les autres produits qui pourraient intéresser la clientèle. Par exemple, si nous recueillons des données de souscription indiquant que la majorité de nos clients titulaires de contrats d’assurance du locataire possèdent un animal de compagnie, nous pouvons établir un partenariat avec un assureur afin de créer un produit d’assurance couvrant les animaux qui permettra de répondre à cette demande. »
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