Par Ingrid Sapona | Temps de lecture : 20 minutes
Dans le présent Tour d’horizon trimestriel, nous traitons de deux sujets qui ont fait la manchette durant les six derniers mois. Nous abordons en premier lieu la réévaluation des besoins en assurance contre les dommages occasionnés par les eaux de surface. Ce thème découle des inondations subites liées à la tempête de grêle qui s’est abattue le 13 juin sur Calgary et les environs. Notre second thème est celui de la hausse des fraudes liées au piratage psychologique observée pendant la pandémie.
Réévaluer les besoins en garanties contre les dommages occasionnés par les eaux de surface
« Ce manque de connaissances fait en sorte les clients ne peuvent apprécier convenablement les risques, d’où l’importance des échanges d’information entre courtier et assuré. » ―Amy Graham, RSA Canada
Les tempêtes de grêle sont relativement courantes à Calgary. Selon Barry Haggis, président de Young-Haggis Insurance Service Ltd., en juin 2020 seulement, Calgary a connu 21 jours de grêle. « Nous savons quand les tempêtes s’en viennent et nous faisons de notre mieux pour nous y préparer en diffusant des alertes sur les endroits susceptibles d’être touchés. Nous avons aussi le programme albertain de suppression de la grêle, qui prévoit l’envoi d’avions pour ensemencer les nuages en vue de réduire la taille des grêlons. Mais la tempête du 13 juin est arrivée si vite ».
La tempête qui a frappé ce jour-là le nord-est de Calgary, Airdrie et le comté de Rocky View a été qualifiée d’« événement extraordinaire » par le premier ministre albertain Jason Kenney quelques jours plus tard . Elle s’est avérée digne du livre des records. Compte tenu des quelque 70 000 demandes d’indemnité présentées par suite de la tempête, on estime que l’industrie de l’assurance de dommages versera environ 1,2 milliard de dollars pour l’exécution de travaux de réparation. Dans l’histoire canadienne, ce sinistre se classe au quatrième rang des catastrophes naturelles ayant entraîné des dommages assurés.
Les premières photos et vidéos des dégâts montraient des voitures aux fenêtres fracassées, des maisons aux toits et aux parements éventrés, des fenêtres brisées et des terrains couverts de ce qu’on pourrait comparer à de grosses balles de neige. Voilà ce que la plupart des gens pouvaient constater en regardant à l’extérieur, mais la tempête a également causé des inondations de surface du fait que les égouts ne suffisaient pas à la tâche. En effet, les fortes pluies qui ont accompagné la grêle ont balayé les rues et causé ces inondations.
Selon le premier ministre, « près de 400 foyers et petits commerces ont été endommagés par des inondations et, dans 20 cas au moins, l’eau a atteint le rez-de-chaussée… » Comme l’Alberta Emergency Management Agency a classé la tempête comme un événement extraordinaire, les particuliers et les entreprises qui ont subi des dommages dus à des inondations de surface et dont les pertes n’étaient pas assurables ont eu droit à une aide financière en cas de catastrophe. M. Kenney a par ailleurs clairement fait valoir que les Albertains qui auraient pu souscrire une garantie contre les dommages occasionnés par les eaux de surface mais qui ne l’ont pas fait, ou ceux dont la couverture était insuffisante, n’étaient pas admissibles à une aide financière .
Les inondations causées par la tempête ont clairement prouvé un fait que de nombreux Canadiens ne semblent pas comprendre : un immeuble qui ne se trouve pas sur les berges d’un cours d’eau n’est pas pour autant à l’abri des dommages imputables aux inondations d’eaux de surface.
Une étude menée en août 2019 par la RSA du Canada et le Fonds mondial pour la nature (Canada) a révélé que 74 % des Canadiens reconnaissent que les inondations sont en hausse au pays, que 29 % croient qu’elles touchent uniquement les basses terres et que 19 % estiment que le phénomène se produit seulement à proximité d’un plan d’eau. Néanmoins, 31 % des Canadiens craignent de subir des inondations dans les 12 prochains mois.
Amy Graham, directrice nationale, Tarification (assurance de personnes), à la RSA du Canada, a fait valoir qu’un effort d’information a été déployé lors de l’introduction de ce type d’assurance en 2015. « Avant qu’on offre une couverture inondations par eaux douces ou par eaux de surface, comme on dit parfois, la plupart des gens croyaient que la garantie refoulement des égouts était suffisante », a-t-elle fait observer.
Lors du lancement de cette garantie, certains courtiers en ont reconnu l’importance et demandé aux assureurs de l’inclure dans tous les contrats. « Lorsque la protection a été instaurée, nous avons fait preuve de souplesse vis-à-vis des courtiers et des assurés qui nous ont demandé de l’ajouter en raison de son importance, de poursuivre Mme Graham. La pratique actuelle de la RSA est de fournir cette protection aux personnes qui la demandent – et on la demande! Je dirais qu’environ 80 % des nouveaux assurés adhèrent à notre Garantie relative à l’imperméabilitéMD. C’est réellement considérable », a-t-elle commenté.
L’évolution de la couverture
« Depuis l’instauration de la protection inondation, nous avons continué d’évaluer cette dernière et de l’adapter aux réalités actuelles, de déclarer Mme Graham. Ainsi, nous avons récemment adopté une garantie pour dispositif de prévention des sinistres dans le cadre de notre protection relative à l’imperméabilité afin de contribuer à prévenir de futurs sinistres liés à des refoulement d’égouts; celle-ci s’ajoute à la protection combinée refoulements d’égouts et inondations de surface. Notre objectif était de faciliter le plus possible l’accès à cette protection tout en accentuant l’importance des mesures d’atténuation, a-t-elle précisé. Nous reconnaissons par ailleurs que certains assurés non admissibles à la protection inondations de surface ou qui ne souhaitent pas acquérir une protection intégrale peuvent toujours opter pour une garantie refoulement d’égouts seulement », affirme Mme Graham.
D’autres assureurs combinent la couverture eaux de surface à d’autres garanties. Ainsi, Wawanesa offre une protection jumelée inondations de sol et refoulement d’égouts. Aviva propose quant à elle une protection facultative contre les inondations de surface, qu’il faut par contre souscrire de pair avec la garantie refoulements d’égouts.
L’importance de sensibiliser les titulaires de police
Compte tenu de l’importante médiatisation de la tempête de grêle du 13 juin à Calgary et des nettes préoccupations des Canadiens vis-à-vis des risques d’inondation, les courtiers devraient sans doute inciter les assurés à réfléchir à nouveau aux risques d’inondation et aux protections dont ils disposent contre les sinistres causés par l’eau.
Barry Haggis estime qu’il n’est généralement pas très difficile de convaincre les titulaires de police de souscrire une protection contre les inondations de surface lorsque ces derniers comprennent en quoi consiste cette couverture. Il fait également valoir que certains assurés trouvent déroutantes les différentes garanties contre les dommages occasionnés par l’eau. « Certains m’ont demandé si la garantie contre les inondations de surface concerne les débordements de toilettes. Ils croient qu’il en est ainsi du fait que, lors de tels débordements, l’eau se trouve en surface », fait observer M. Haggis. Ce dernier est d’avis que, souvent, les gens refusent cette couverture parce qu’ils ne comprennent pas de quoi il s’agit ou parce qu’ils croient qu’ils ne courent pas ce risque en raison de l’emplacement de leur propriété, ajoute M. Haggis.
Par ailleurs, Mme Graham signale que, si l’étude de la RSA du Canada et du Fonds mondial pour la nature a clairement établi que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par les risques d’inondation, elle met également en évidence des lacunes dans les connaissances des gens. Ainsi, il vaut le coup de mentionner que 77 % des répondants croient que les inondations sont plus fréquentes en raison des changements climatiques. Pour ce qui est des autres causes, 47 % ont mentionné une moindre absorption des eaux imputable à un manque d’espaces verts et 27 % ignoraient que les surfaces pavées sont une cause de ruissellement accru. « Ce manque de connaissances fait en sorte les clients ne peuvent apprécier convenablement les risques, d’où l’importance des échanges d’information entre courtier et assuré, de faire remarquer Mme Graham. C’est aussi pourquoi nous avons mis en ligne notre site Tenez compte du facteur climat. »
Comme tout membre de l’industrie le sait, les raisons pour lesquelles les titulaires de police refusent de souscrire une garantie sont aussi diverses que les assurés eux-mêmes. M. Haggis estime par ailleurs qu’il incombe au courtier de veiller à ce que l’assuré fonde ses décisions sur une solide compréhension des garanties offertes. C’est probablement parce qu’ils n’en comprenaient pas la teneur que des assurés de la région de Calgary n’ont pas acquis la couverture appropriée alors qu’ils auraient pu le faire.
« Je suis navré à l’idée que de nombreuses personnes ont refusé la protection inondations de surface en se disant qu’ils résident à un endroit surélevé, que cela ne se produirait jamais, qu’ils se trouvent loin d’un cours d’eau, etc. », a rappelé M. Haggis dans une interview accordée peu après la tempête.
Il est évidemment possible que les primes soient un enjeu. Mme Graham indique cependant que ce n’est généralement pas le cas, d’après ce qu’on a constaté à la RSA. « On peut en effet gérer les coûts de diverses façons. Les conseils d’un courtier sont précieux en l’occurrence. Par exemple, il est possible d’opter pour un montant de garantie inférieur, d’augmenter la franchise ou d’installer un dispositif d’atténuation des inondations », fait-elle valoir.
Pour cette garantie comme pour toute garantie additionnelle que l’on peut proposer, le renouvellement d’un contrat est un bon moment pour informer l’assuré des différentes protections qu’il peut envisager pour se prémunir contre les divers sinistres causés par l’eau. Ainsi, M. Haggis estime que, lors d’un renouvellement de contrat, il incombe au courtier d’inviter les clients qui n’ont pas la garantie eaux de surface et qui y sont admissibles à envisager de la souscrire. « La première fois qu’un titulaire refuse cette protection, nous lui demandons de signer une décharge que nous versons à son dossier », a-t-il poursuivi.
« Puis, tous les ans, quand nous préparons le formulaire de renouvellement, nous examinons les protections dont dispose le client et celles dont il peut se prévaloir mais qu’il n’a pas encore. Nous personnalisons ensuite le document en faisant ressortir les garanties additionnelles que nous lui conseillons d’envisager. Nous précisons les différentes options de coûts et de franchises et indiquons que nous serions heureux d’en discuter avec lui et de répondre à ses questions, d’expliquer M. Haggis. Nous conservons dans nos dossiers une copie du document et des notes sur les discussions menées au sujet des garanties offertes. Ainsi, si l’assuré soutient par la suite qu’il ignorait que la garantie était offerte, nous pouvons démontrer qu’elle lui était accessible et qu’elle lui a effectivement été proposée, » ajoute M. Haggis.
Quelques semaines après la tempête, Canadian Underwriter a cité des propos de M. Haggis concernant des plaintes relatives à la réaction des assureurs et aux risques connexes pour la réputation de l’industrie. Dans l’article en question, M. Haggis a signalé qu’il pouvait y avoir des plaintes relatives à une insuffisance de couverture mais que, dans les faits, nombre de clients avaient refusé de souscrire la garantie appropriée. M. Haggis admet qu’après la publication de l’article, il a eu des doutes quant à l’opportunité d’accorder cette entrevue. « Je craignais qu’on dise que je prenais uniquement le parti des assureurs, mais j’ai reçu de nombreux commentaires favorables. Des pairs m’ont remercié d’avoir pris la défense de l’industrie », a-t-il affirmé.
Si M. Haggis soutient que si le renouvellement d’un contrat est un moment propice pour sensibiliser le client aux risques d’inondation de surface, son entreprise le fait aussi à d’autres occasions. « À tous les printemps, juste avant le début de la saison des chutes de grêle, nous invitons par courriel les clients à s’assurer d’avoir la garantie inondations de surface. Bien qu’il s’agisse d’un message général, de 55 % à 60 % de nos assurés y donnent suite. La plupart nous donnent simplement un coup de fil et nous demandent s’ils ont bien cette protection. C’est pour nous une belle occasion de souligner l’importance de cette couverture et de parler montants de garantie, franchise, etc. ».
Des tempêtes records comme celle qui a frappé Calgary en juin en amènent plusieurs à prendre conscience des importants dommages que les inondations de surface peuvent entraîner. Pour un courtier, le rappel de cette tempête peut servir à amorcer une conversation avec les clients au sujet des risques d’inondation de surface et à bien leur faire comprendre les différents types de garanties contre les dommages occasionnés par l’eau.
Hausse du piratage psychologique : comment protéger votre entreprise
Le terme de piratage psychologique désigne diverses techniques frauduleuses visant à amener des gens à poser volontairement certains gestes, par exemple virer des fonds, divulguer des renseignements sensibles ou donner accès à un réseau informatique. Ce type de fraude vise souvent les entreprises. Selon Marsh & McLennan, des entreprises de toutes tailles et de différents secteurs ou pays en ont été victimes . Selon Aon, le piratage psychologique désigne « le recours à l’usurpation d’identité pour gagner la confiance d’un employé et l’inciter à céder des sommes ou des valeurs d’une organisation » .
Ce type de fraude repose généralement sur des interactions interindividuelles et se distingue notamment par le fait que « le fraudeur s’emploie à réunir des renseignements de diverses sources (médias sociaux, correspondance interceptée, etc.) pour paraître convaincant et digne de confiance » .
Ainsi, le fraudeur peut se présenter comme une connaissance de la victime, comme une figure d’autorité (un représentant du gouvernement, par exemple) ou comme un tiers (notamment un fournisseur de l’entreprise). Alors que les médias sociaux sont en plein essor, il n’est guère difficile pour un escroc d’en apprendre beaucoup sur quelqu’un – son lieu de travail, les maisons d’enseignement qu’il a fréquentées, ses activités sociales, etc. Après sa collecte de renseignements, le fraudeur transmet un courriel à sa victime, qui peut croire que l’auteur fait partie de son cercle social… et lui donner le champ libre d’un simple clic.
Bien que le piratage psychologique puisse permettre à un fraudeur d’accéder aux ordinateurs et aux données d’une entreprise, il diffère des autres intrusions informatiques et cyberactes malveillants. Dans le cas du piratage psychologique, le fraudeur tire parti d’interactions humaines pour gagner la confiance d’un employé qui l’aide dans sa manœuvre sans même s’en rendre compte.
L’incidence de la pandémie sur le piratage psychologique
On a observé une hausse marquée du piratage psychologique durant la pandémie, ce qui s’explique en grande partie par le virage au télétravail. Pour certaines entreprises, il est nettement plus difficile de gérer le personnel qui travaille à la maison avec la même rigueur qu’à l’interne. Aux risques de cybersécurité inhérents aux mouvements de données d’entreprise sur Internet et à ceux liés à des réseaux Wi-Fi domestiques plus ou moins sécurisés s’ajoute la possibilité que des membres de la famille accèdent à des ordinateurs à usage professionnel. De plus, certains employés peuvent progressivement devenir plus « relax » et baisser la garde en milieu familial. D’autres ressentent un stress accru du fait qu’ils travaillent à domicile ou une plus grande anxiété en raison de la COVID-19 et peuvent en conséquence être moins vigilants. Les arnaqueurs, qui le savent bien, ont redoublé d’efforts. Ainsi, Google a recensé plus de 18 millions d’escroqueries quotidiennes liées à la COVID-19 via courriel en une seule semaine d’avril 2020.
Les principales techniques de piratage psychologique
Bien qu’il existe différents types de piratage psychologique, nous nous concentrerons sur les plus courants : l’hameçonnage, le harponnage, le faux-semblant, le passage en double et l’appâtage.
L’hameçonnage par courriel et l’hameçonnage vocal
L’hameçonnage est l’un des types de piratage psychologique les plus connus et les plus anciens. Le fraudeur adresse un courriel à quelqu’un et lui demande, voire enjoint à la personne de lui fournir des renseignements tels que nom d’utilisateur, mot de passe, données de cartes de crédit, etc. Le succès de cette technique tient à ce qu’elle… « est axée sur une réaction humaine de base, qui consiste à ouvrir son courrier, en particulier lorsque ce dernier est à caractère professionnel ou qu’il provient de sources censément légitimes, comme un collègue ou un ami » . Les attaques par hameçonnage visent à « créer chez l’utilisateur un sentiment d’urgence ou de crainte dans le but de lui soutirer des données sensibles » .
L’hameçonnage est la technique la plus utilisée par les criminels pour s’infiltrer dans les systèmes informatiques et commettre des fraudes électroniques ou des actes de piratage par rançongiciels, selon Katherine Keefe de Beazley Breach Response. Et les gens qui ne sont pas à l’aise avec la technologie ne sont pas les seuls piégés. Ainsi, une enquête récente a révélé que 47 % des travailleurs du secteur de la technologie ont été victimes d’hameçonnage au travail .
L’hameçonnage vocal cible les travailleurs à distance par téléphone. Par exemple, le fraudeur appelle un employé sur son téléphone portable personnel et se présente comme un membre des services informatiques internes ou un employé de centre d’assistance qui a besoin d’information relativement à un problème de sécurité . Le fraudeur utilise des renseignements recueillis sur les réseaux sociaux au sujet de l’employé et de l’entreprise pour convaincre sa victime de se connecter à un nouveau réseau privé virtuel (RPV) aux fins de l’exécution d’un dépannage. Il s’agit en l’occurrence d’un faux RPV et, lorsque l’employé s’y connecte de bonne foi, il communique à son insu son nom d’utilisateur et son mot de passe à l’escroc, et celui-ci s’en sert ensuite pour accéder au réseau de l’entreprise.
Le harponnage de cadres supérieurs
Parfois appelé « chasse à la baleine », le harponnage est une forme de piratage psychologique qui cible principalement les cadres supérieurs. Il prend souvent la forme d’un courriel censément sérieux et professionnel envoyé par une personne en autorité légitime, par exemple un dirigeant d’une importante organisation. Adressé à un cadre supérieur, le message fait en général référence à des renseignements hautement confidentiels ou à une fausse préoccupation visant l’entreprise » .
Le faux-semblant
Les attaques par faux-semblant reposent sur « un bon prétexte ou un scénario fabriqué de toutes pièces » . Le récit de l’escroc est vraisemblable et laisse peu de place au doute . Pour produire les résultats escomptés, cette technique atténue les réactions normales de défense en faisant croire à quelqu’un ou à quelque chose de légitime . Ces manœuvres peuvent prendre différentes formes, comme la personnification d’un membre du service des Ressources humaines ou des Finances, voire d’un auditeur externe de l’entreprise ciblée. Les fraudes par faux-semblant visent à obtenir de la victime des renseignements à caractère privé, souvent dans le but d’accéder aux systèmes internes de l’entreprise.
Le passage en double
Le passage en double est une manœuvre généralement exécutée sur place. Par exemple, le fraudeur se présente comme un livreur qui doit accéder aux lieux de travail et qui demande à un employé de lui tenir la porte. Une version plus sophistiquée et plus axée sur le piratage psychologique de cette technique pourrait prendre la forme suivante : l’escroc se joint à un groupe de travailleurs en pause à l’extérieur et engage la conversation avec un ou deux d’entre eux, leur demande leurs noms et leurs groupes de travail, puis se faufile à l’intérieur en suivant le groupe. S’il est repéré, l’arnaqueur peut simplement dire qu’il travaille aux services informatiques, par exemple, voire décliner le nom d’un travailleur à qui il a parlé.
L’appâtage
L’auteur de ce type de fraude promet à la victime un avantage ou une contrepartie pour l’inciter à lui communiquer de l’information. Par exemple, l’escroc peut inciter une personne à se connecter à un site factice pour y télécharger de la musique gratuitement. Lors de la connexion, la victime transmet son nom d’utilisateur et son mot de passe au fraudeur.
Voilà un aperçu des divers types de piratage psychologique. D’un point de vue pratique, qu’importe l’étiquette qu’on lui accole, un acte de piratage psychologique réussi est un délit criminel qui engendre pertes ou dommages. Mais, comme on le verra, le fait qu’une perte découle d’un piratage psychologique peut avoir une incidence sur la couverture du sinistre.
Les méthodes d’atténuation des risques
On peut atténuer les risques de perte associés au piratage psychologique de diverses façons, notamment une formation adéquate du personnel, l’adoption de l’authentification à deux facteurs pour les paiements, de même qu’une protection d’assurance.
La formation du personnel est essentielle, car les diverses techniques de piratage psychologique sont basées sur l’erreur humaine. Il importe donc que les employés ne se bornent pas à savoir comment se connecter aux systèmes de l’entreprise. Ils doivent comprendre les techniques de manipulation des escrocs et se rendre compte que le stress peut constituer un facteur de vulnérabilité accrue.
L’adoption de l’authentification à deux facteurs est un mode de vérification des connexions assez courant dans l’univers numérique, mais qui n’exige pas nécessairement une solution technologique pointue. Ainsi, pour autoriser un virement électronique de fonds, une entreprise peut exiger que la personne chargée de l’opération contacte d’abord individuellement un tiers. Dans le cas d’une communication entre employés sur un réseau téléphonique public, l’entreprise peut exiger un deuxième facteur, par exemple une expression unique permettant d’authentifier l’appel avant toute discussion relative à des renseignements sensibles.
L’assurance contre le piratage psychologique est offerte au Canada depuis 2014. Mais il importe que les entreprises vérifient que leurs assurances comportent cette protection, plutôt que de tenir pour acquis qu’une police relative aux fraudes informatiques, aux transferts électroniques frauduleux de fonds ou aux délits commerciaux couvre ce genre de délit.
La garantie standard contre les fraudes informatiques vise les accès non autorisés aux systèmes et leur utilisation illicite – en d’autres mots le piratage de systèmes informatiques. Une police relative aux fraudes informatiques ne s’applique pas à un transfert de fonds effectué par un employé victime d’un piratage psychologique, car même si le virement a été effectué par ordinateur, il résulte de l’acte d’un employé et non d’un piratage informatique . Autrement dit, le recours à un ordinateur est en l’occurrence accessoire.
La garantie contre les transferts électroniques frauduleux de fonds vise les virements illicites imputables à une tierce partie qui donne à une institution financière la directive de transférer des fonds de l’assuré à l’insu de celui-ci ou sans son consentement. Dans le cas d’un piratage psychologique, les virements sont effectués à la demande d’un employé de l’assuré, de sorte que le transfert est réputé avoir été fait à la connaissance de l’assuré.
L’assurance des entreprises contre les vols et les détournements vise les cas où un employé commet un vol ou tire parti d’un vol . Mais lors d’un piratage psychologique, l’employé n’est pas le bénéficiaire du méfait. Les contrats vols et détournements stipulent souvent certains types de crimes couverts, et si le piratage psychologique ne fait pas expressément partie de la liste, l’assurance ne s’y applique pas. De plus, certains contrats excluent les sinistres résultant d’un accès autorisé (par un employé) au système informatique de l’assuré.
Par ailleurs, l’industrie de l’assurance a pris conscience de l’ampleur du piratage psychologique et offre à présent des produits spécifiquement adaptés à ce genre de criminalité . Dans certains cas, on peut obtenir une couverture contre le piratage psychologique sur le marché de l’assurance vols et détournements, notamment par l’ajout d’un avenant . Les garanties connexes incluent souvent des limitations particulières, mais s’il peut démontrer qu’il applique des contrôles adéquats, l’assuré peut être admissible à des montants plus élevés.
Comme pour l’acquisition de n’importe quelle assurance, les entreprises qui envisagent de se prémunir contre le piratage psychologique doivent prêter attention aux montants de garantie ou aux conditions applicables. Elles doivent également examiner soigneusement les modalités du contrat, qui peut comporter des conditions préalables auxquelles l’assuré doit satisfaire, par exemple l’instauration de certains protocoles et politiques visant à limiter la survenance de ces sinistres, notamment une rigoureuse formation du personnel. Les critères de mise en jeu de la garantie sont également importants.
L’identité de l’auteur de la fraude importe-t-elle? Par exemple, l’assurance couvre-t-elle seulement les fraudes commises par un individu ou s’applique-t-elle aussi aux fraudes perpétrées par des acteurs étatiques? Couvre-t-elle les coûts relatifs à la collecte de renseignements destinés à prouver le sinistre, notamment les honoraires de techniciens ou enquêteurs judiciaires?
Le piratage psychologique continuera de frapper, même si plusieurs travailleurs quittent leur domicile pour retourner au bureau. D’où l’importance que les entreprises fournissent à leurs employés une formation sur les techniques de piratage psychologique des fraudeurs et leur fassent comprendre le rôle crucial qu’ils doivent jouer pour contrer ce type d’arnaque. Il importe aussi que les entreprises, avec l’aide de leurs courtiers et de leurs gestionnaires de risques, passent en revue les garanties de leurs contrats d’assurance afin de bien comprendre quels risques sont couverts et lesquels ne le sont pas.
Comme la demande de protection d’assurance tend à accuser un retard par rapport à la progression des sinistres et que le piratage psychologique a nettement augmenté durant la pandémie , il est probable que le marché de l’assurance relative à ce type de criminalité prenne de l’expansion. Pour les courtiers, le moment est venu de se familiariser avec ces garanties et de réfléchir à la manière dont ils peuvent aider leurs clients à se protéger contre ce genre de fraude avant qu’ils n’en soient victimes.
VOUS AIMERIEZ DONNER VOTRE OPINION?
Votre opinion est importante pour nous! Envoyez-nous un message par courriel, en cliquant sur le bouton ci-dessous.