Par Ingrid Sapona | Temps de lecture : 22 min
Dans le présent numéro, nous examinerons l’évolution des gens et des entreprises de l’industrie de l’assurance qu’a suscitée la pandémie et les défis que cette dernière leur a posés. Dans le premier article, nous analysons l’incidence des bouleversements récents des chaînes d’approvisionnement survenus à l’échelle mondiale sur l'industrie de l'assurance, tandis que dans le deuxième article, nous faisons état de nos entretiens avec des responsables d’organisations qui ont poursuivi les fusions qu’elles avaient prévues alors que le travail à distance demeurait la règle. De plus, nous verrons comment bâtir une culture d’entreprise solide repose avant tout sur le bien-être des employés.
Les contrecoups
« Les clients portent une attention particulière aux chaînes d’approvisionnement. Ils s’interrogent sur la façon d’assurer la continuité de leurs activités. » - Paul A. Croft, chef de l’exploitation, Aon Canada
Partie 1 : l’incidence des bouleversements des chaînes d’approvisionnement sur l’industrie de l’assurance
Introduction
Les bouleversements des chaînes d’approvisionnement qui se sont fait sentir aux quatre coins du monde ont souvent fait les manchettes au cours des deux dernières années. Or, il est certain que les différents problèmes de chaînes d’approvisionnement découlent en bonne partie de la pandémie étant donné que la production de certains biens a été freinée en raison des fermetures sporadiques ordonnées dans différentes régions à différents moments pour empêcher la propagation de la COVID-19. L’explosion de la demande pour des biens comme l’équipement de protection individuelle a incité certains manufacturiers à réorienter leur production, ce qui a réduit la disponibilité des intrants dans d’autres secteurs et a donné lieu à des goulots d’étranglement et à des arriérés de commandes. Pendant ce temps, un changement considérable s’opérait dans la demande des consommateurs en Amérique du Nord. Comme les gens ne pouvaient pas voyager ou n’avaient pas l’occasion de dépenser beaucoup d’argent pour se divertir, la demande des consommateurs a été portée sur la rénovation résidentielle, ce qui a fait grimper la demande pour des produits comme le bois d’œuvre.
Mais la pandémie ne constitue pas à elle seule la source des bouleversements importants des chaînes d’approvisionnement. En mars 2021, Ever Given, un des plus gros navires porte-conteneurs jamais construits, a été bloqué dans le canal de Suez pendant six jours. Les retombées négatives de cet accident sur les échanges commerciaux ont été estimées à presque 10 milliards de dollars américains par jour. Au Canada, on estime que le blocage du pont Ambassador provoqué en février par des camionneurs protestataires aura coûté plus de 250 millions de dollars américains à l’industrie automobile seulement. Et, il va sans dire que les conditions météorologiques ont eu un effet énorme sur certaines chaînes d’approvisionnement du Canada. Nous n’avons qu’à penser aux précipitations et aux inondations records survenues au mois de novembre en Colombie-Britannique qui ont forcé la fermeture des autoroutes et ont empêché l’accès au port de Vancouver par voie ferrée.
Ainsi, au cours de la première partie du présent tour d’horizon, nous examinerons l’incidence des bouleversements des chaînes d’approvisionnement sur l’industrie de l’assurance au cours des dernières années.
La résilience des chaînes d’approvisionnement
Paul A. Croft, chef de l’exploitation d’Aon Canada, mentionne que la gestion des chaînes d’approvisionnement constitue une grande préoccupation pour plusieurs des clients. « Lorsque l’on fait des affaires partout dans le monde, on s’expose à de nombreux risques, a-t-il souligné. Les catastrophes naturelles, les confinements imposés à cause de la COVID et les rappels de produits effectués à grande échelle sont tous des éléments qui influent sur l’approvisionnement. »
M. Croft précise que les difficultés que présentent les chaînes d’approvisionnement sont liées à la continuité des activités, et la résilience des chaînes d’approvisionnement est donc une priorité pour ses clients. « Toutes les entreprises ont été affectées par les bouleversements des chaînes d’approvisionnement. En fait, nous sommes tous habitués à ce que les choses se fassent plus vite qu’il y a 5, 10 ou 15 ans. Les gens veulent que tout se passe très rapidement. La plupart des entreprises cherchent à avoir un nombre réduit de fournisseurs et à diminuer leurs dépenses, mais en même temps, elles veulent que l’approvisionnement soit fiable et ininterrompu », mentionne-t-il.
Selon le sondage mondial sur la gestion des risques mené par Aon en 2021, lequel est un sondage en ligne mené aux deux ans auquel 2 344 gestionnaires de risques en provenance de 16 grappes industrielles différentes ont répondu, la défaillance des chaînes d’approvisionnement et des circuits de distribution figure de nouveau pour la première fois depuis 2009 parmi les 10 risques principaux. Au fait, les participants de ce sondage le plus récent l’ont classé au huitième rang (des 60 risques énumérés), tandis que, selon le sondage de 2017, elle se situait au 19e rang.

Une des choses qui a changé au cours des dernières années selon M. Croft est la préoccupation croissante de ses clients par rapport aux cyberattaques qui pourraient détraquer leurs chaînes d’approvisionnement. « Nous constatons que les clients se soucient beaucoup des cyberrisques auxquels sont exposées leurs chaînes d’approvisionnement. À l’ère du numérique, si vous subissez une cyberattaque, comment faites-vous pour retracer votre produit? Et, bien entendu, au-delà des risques que pose une cyberattaque pour votre entreprise, qu’arrive-t-il si le système informatique de votre fournisseur tombe en panne? Sera-t-il quand même capable d’expédier les marchandises, et ainsi de suite? » En fait, M. Croft estime que les clients sont maintenant tout aussi préoccupés par les cyberrisques qui pourraient nuire à leurs fournisseurs que par les bouleversements éventuels des chaînes d’approvisionnement engendrés par des catastrophes naturelles.
Un entrepreneur de la Colombie-Britannique qui effectue des travaux de réfection après sinistre a donné un exemple de la façon dont une cyberattaque porte atteinte à un fournisseur. Il venait d’apprendre récemment qu’une entreprise de moquettes et de tapis aux États-Unis avait été victime d’une cyberattaque. Le pirate informatique avait pris en otage le système informatique et réclamait une rançon. Comme vous l’avez sans doute deviné, cette situation a occasionné des délais importants.
La gestion des risques associés aux chaînes d’approvisionnement est compliquée, et aucun produit d’assurance ne peut à lui seul atténuer tous les risques. « Lorsqu’il est question de risques liés aux chaînes d’approvisionnement, il n’y a aucun produit en soi qui peut réduire les risques, explique M. Croft. Ainsi, lorsque, en tant que courtiers, nous nous entretenons avec un client au sujet des risques qu’il court relativement à ses chaînes d’approvisionnement, nous évoquons toute une variété de risques et nous lui présentons toute une panoplie de garanties qui pourraient couvrir certains risques. Ainsi, pour assurer un entrepôt, il faut prévoir une garantie pour le transport par voie aérienne, par voie ferrée et par voie maritime, une garantie en cas de sabotage, en cas d’insolvabilité et de défaut de paiement, une assurance contre les risques politiques, les cyberrisques, etc. Afin de pouvoir bien l’aider, notre compréhension de ses activités doit être aussi bonne, sinon meilleure que la sienne », fait-il remarquer.
Aon a développé un outil de diagnostic des risques qui aide les entreprises à apprécier les risques qu’elles courent à l’étranger en lien avec les chaînes d’approvisionnement. M. Croft dit que l’outil est essentiellement un cadre de référence pour l’analyse des risques. « Il n’est pas vraiment possible de contenir un problème qui touche une chaîne d’approvisionnement, mais il est possible de relever les failles et d’aider les clients à déterminer leur capacité de résistance à ces problèmes. En réalité, nous nous trouvons à aider les clients à se questionner sur leur résilience, allègue-t-il. Nous sommes d’avis que ces entretiens sont nécessaires parce qu’ils servent à guider les clients et à les amener à anticiper les problèmes qui pourraient surgir. En tant que courtiers, nous nous penchons sur les risques auxquels ils sont exposés, les risques contre lesquels ils ne sont pas protégés et ceux qui pourraient être couverts. Et, évidemment, il est important d’expliquer que parfois, il n’y a aucun produit d’assurance qui pourrait convenir.
Mais, même les entreprises les mieux préparées ne verront pas nécessairement les obstacles auxquels leurs chaînes d’approvisionnement pourraient se heurter, précise M. Croft. Compte tenu de l’incertitude géopolitique qui plane en ce moment en raison de la guerre en Ukraine et des sanctions commerciales imposées en conséquence, certains échanges récents avec nos clients ont porté sur la Russie et sur la détermination de l’origine d’un produit. Supposons par exemple qu’un client fait affaire avec un fournisseur chinois qui s’approvisionne directement auprès de producteurs russes. En pareil cas, il est sûr que le client s’inquiète de savoir s’il enfreint les sanctions qui ont été instaurées par suite de la guerre en Ukraine. Ce genre d’interconnexion va inciter un client à essayer de trouver d’autres sources d’approvisionnement. Il passe donc en revue les fournisseurs avec lesquels il a noué une relation pour voir s’il pourrait passer d’autres contrats avec ces mêmes fournisseurs. Un client qui est confronté à un tel scénario a besoin de bien plus qu’un produit d’assurance. Il lui faut un plan de gestion global des risques », affirme-t-il.
L’incidence des bouleversements des chaînes d’approvisionnement sur le règlement des sinistres en assurance de dommages des particuliers et la souscription
Les bouleversements des chaînes d’approvisionnement que nous avons connus au cours des dernières années commencent à se faire sentir dans l’industrie de l’assurance de dommages des particuliers, a confié Stefan Tirschler, directeur de la souscription d’Assurances Square One. « Le prix de certains biens a vraiment commencé à augmenter à la fin de 2021. La hausse du prix des matériaux de construction élémentaires, comme le bois d’œuvre, est celle qui a été la plus remarquée. Les retards occasionnés par les problèmes qui touchent les chaînes d’approvisionnement n’ont pas été très apparents pendant quelque temps. Mais, comme il fallait s’y attendre, les retards énormes ont ultimement fait augmenter les coûts pour les assureurs, a-t-il dit. Prenons l’exemple d’un assuré qui, dans des circonstances normales, aurait prévu emménager dans sa maison au bout de quatre mois, mais qui, en raison des retards pour l’obtention de matériaux, sera peut-être obligé de patienter pendant six mois avant de le faire. Une telle situation entraînerait des frais additionnels considérables. »
Pour ce qui est de suivre l’évolution du prix des matériaux de construction au moment du règlement d’une demande d’indemnité, M. Tirschler dit que Square One travaille en collaboration avec les entrepreneurs en réfection. « Notre relation avec les entreprises de réfection est solide. Nous avons énormément confiance en elles. Il ne faut pas oublier que les cycles d’augmentation des prix leur sont familiers. Vu qu’elles en ont vu d’autres, elles savent bien comment prendre en compte une telle hausse des prix. »
Il n’en demeure pas moins que Square One s’attaque au problème de la fluctuation des prix en amont. « Il y a beaucoup d’information disponible sur le secteur et nous pouvons donc faire une estimation des coûts de reconstruction en cas de sinistre. En procédant ainsi, nous établissons une référence sur laquelle nous pouvons nous appuyer lorsque l’expert nous présente une soumission pour des travaux de reconstruction ou de réparation » clarifie-t-il.
La pénurie de main-d’œuvre est une autre atteinte aux chaînes d’approvisionnement qui influe sur le coût de reconstruction et de réfection des bâtiments. « Nous entendons toutes sortes d’histoires sur les difficultés suscitées par la pénurie de main-d’œuvre, mais le problème est particulièrement difficile pour tout secteur qui dépend des travailleurs manuels, souligne M. Tirschler. Je pense que c’est la difficulté à laquelle sont vraiment confrontés bon nombre d’entrepreneurs et d’entreprises de réfection. Or, ce que nous constatons c’est que la demande n’a pas nécessairement augmenté massivement, comme après les incendies de Kelowna, où tout le monde à la fois voulait rebâtir. Il s’agissait là d’un événement différent et isolé, tandis que les répercussions des bouleversements des chaînes d’approvisionnement que nous voyons en ce moment sont beaucoup plus vastes. La situation n’a peut-être pas été si dramatique lorsqu’elle s’est produite initialement, parce que ses effets sont subtils, mais elle pourrait se prolonger. »
Aussi, selon M. Tirschler, Square One porte une attention particulière aux échéanciers des projets de rénovation et de construction. « Nous demandons à nos clients de communiquer avec nous lorsqu’ils envisagent d’entreprendre des travaux de rénovation importants afin que nous puissions nous assurer qu’ils seront adéquatement protégés. Et lorsqu’un client nous communique le coût estimé du projet de rénovation, nous faisons de notre mieux pour tenir compte de l’état actuel de la chaîne d’approvisionnement, a-t-il mentionné. Même si le coût du projet de rénovation d’un client n’augmente pas et reflète l’estimation fournie par l’entrepreneur, nous avons remarqué au cours des dernières années que les échéances sont souvent repoussées, et que cette tendance est marquée dans certaines régions du pays. Évidemment, lorsque des travaux de rénovation sont retardés, le risque couru par tous les intervenants, c’est-à-dire le propriétaire et l’assureur, augmente. Par exemple, le risque de dégâts d’eau et de vandalisme s’accroît lorsqu’une maison est vacante et en cours de rénovation, et ce risque accru perdure tout au long du projet, quelle que soit la cause du retard imprévu. »
De plus, Square One a procédé à des rajustements pour tenir compte de l’augmentation du coût de reconstruction dans la tarification de ses nouveaux contrats d’assurance. « Nous suivons l’évolution des conditions de marchés et nous revoyons périodiquement nos évaluations du coût de reconstruction afin que nos recommandations soient fondées sur des données à jour. Les clients existants de Square One n’ont pas à se demander s’ils ont une protection adéquate parce que tous nos contrats d’assurance comportent une couverture garantie des coûts de reconstruction », a précisé monsieur Tirschler.
Partie 2 : la pandémie de COVID-19 et les défis de la fusion des cultures d’entreprises
Introduction
Chaque entreprise a ses façons de faire. Aussi, chaque entreprise développe une culture qui lui est propre, et cette culture peut être définie explicitement ou demeurée implicite . Or, lorsque des entreprises fusionnent ou font l’objet d’une acquisition, pour éviter l’exode du personnel et garantir le succès de l’opération dans son ensemble, il faut que les cultures organisationnelles soient bien assimilées.
Compte tenu des différentes facettes qui composent la culture organisationnelle, connaître la culture d’une entreprise en temps normal peut être difficile. Maintenant, imaginez si vous deviez le faire pendant la pandémie. Cela semble encore plus difficile, n’est-ce pas? Et pourtant, durant la pandémie, l’activité liée aux fusions et acquisitions dans l’industrie de l’assurance du Canada, surtout en ce qui a trait au courtage, n’a pas cessé ni même semblé ralentir.
Dans la présente partie, nous faisons état de notre entretien avec des cadres de BrokerLink et de Westland Insurance Group, Ltd. sur la façon dont ils ont abordé le processus d’acquisition pendant la pandémie.
Courte pause pendant la pandémie
« Lorsque la pandémie a été déclarée, nous n’avons pas arrêté notre processus d’acquisition parce que, à ce moment-là, nous avions plusieurs transactions en préparation », dit Tracy Krunic, cheffe de l’exploitation et vice-présidente des Ressources humaines de BrokerLink. « Toutefois, nous avons interrompu la conclusion de certaines affaires. Au fait, je crois que nous avons pris une pause de mars 2020 à l’été 2020 pour que nous puissions prendre le temps d’adapter nos processus aux bouleversements occasionnés par la pandémie, notamment en réorganisant la logistique pour les premiers contacts avec les cabinets de courtage nouvellement acquis, a-t-elle précisé. Je dirais que, dans l’ensemble, la pandémie n’a pas eu une incidence très importante sur la démarche habituelle que nous entreprenions lors d’une acquisition. Nous avions confiance en nos processus et nous n’avons pas essayé de changer complètement nos façons de faire, sauf pendant les mois où nous étions confinés et que nous ne pouvions pas rencontrer les gens en personne. » BrokerLink a en effet conclu au cours des deux dernières années plus de 40 transactions visant plus de 700 nouveaux employés.
La pandémie a eu un effet similaire sur le processus d’acquisition de Westland. « Pendant les deux à quatre premiers mois de la pandémie, nous avons interrompu temporairement nos activités d’acquisition parce que nous étions en terrain inconnu et parce qu’il y avait beaucoup d’incertitude, entre autres à l’égard de la durée du confinement. Le processus d’acquisition des entreprises que nous avions ciblées était bien enclenché, mais nous l’avons stoppé parce que nous voulions évaluer les conséquences internes et externes de la pandémie. Nous estimions que nous devions nous concentrer sur nos opérations, nos clients et nos employés. Mais, dès que nous avons senti que nous pouvions faire preuve de résilience, nous sommes allés de l’avant. Nous avons assez rapidement repris nos activités d’acquisition », a répondu Tim Mackie, vice-président directeur des opérations commerciales dans l’Ouest canadien, de Westland.
Inspirer la confiance et tisser des liens
En ce qui concerne les efforts que BrokerLink a consenti lors des acquisitions pour tisser des liens, les premiers contacts qui surviennent juste après que le vendeur a annoncé la vente à ses employés sont déterminants, selon Mme Krunic. « Ce qui se passe le jour où l’annonce de la transaction a lieu est important. Cette journée-là, le propriétaire du cabinet de courtage convoque une réunion pour faire l’annonce de la transaction. Dans les faits, deux ou trois représentants de BrokerLink sont dépêchés sur les lieux et patientent à l’extérieur de la salle de réunion jusqu’à ce que le propriétaire fasse l’annonce aux employés, explique-t-elle. Les représentants de BrokerLink se joignent ensuite à la réunion et se présentent. Cette rencontre en personne est vraiment essentielle. Au cours de cette première réunion, nous donnons une courte présentation sur BrokerLink et sur les avantages que leur procurera le fait d’appartenir à une grande organisation. De plus, nous leur parlons de nos valeurs, de qui nous sommes, de ce qui nous définit et de notre raison d’être. Cette rencontre constitue aussi pour nous l’occasion d’obtenir leurs réactions, qu’elles soient exprimées verbalement ou par le langage corporel, ce qui, dans une certaine mesure, détermine la suite des choses », a-t-elle relaté.
Cependant, BrokerLink ne relâche pas ses efforts pour tisser des liens avec les employés d’un cabinet de courtage nouvellement acquis une fois que les premiers contacts ont eu lieu, puisque l’entreprise offre de l’aide et du soutien permanents aux nouveaux employés. « Au début de 2021, nous avons créé des postes de gestionnaires de l’accueil et de l’intégration, soit deux en Ontario et un en Alberta. Ces responsables s’occupent de la gestion de la relation avec les sociétés acquises. Ils ne sont pas nécessairement dans les bureaux des cabinets de courtage nouvellement acquis, mais ils sont là pour répondre aux questions générales portant sur l’administration, le marketing et autres. Par exemple, si un courtier d’un cabinet nouvellement acquis ne sait pas quoi faire dans une certaine situation, comme où trouver le nouveau formulaire des RH qu’il doit remplir, ou encore où obtenir de l’aide des TI, il peut s’adresser au gestionnaire de l’accueil et de l’intégration de sa région » a-t-elle spécifié.
BrokerLink va à la rencontre des nouveaux employés de multiples façons. « Les assemblées, qu’elles soient tenues en présence ou à distance, sont un bon exemple des moyens que nous employons pour prendre contact. Il se trouve que notre président, Joe D’Annunzio, aime bien aller en personne rencontrer les gens. Vous savez, lorsque celui qui est à la tête d’un effectif de 3 000 personnes prend le temps de venir rencontrer les employés, ce geste contribue puissamment à l’établissement d’un dialogue constructif et de liens », affirme-t-elle.
Monsieur Mackie dit que Westland s’investit pour gagner la confiance des nouveaux dès la première rencontre avec l’entreprise qu’elle souhaite acheter. « Les fusions et acquisitions sont ancrées dans l’ADN de notre entreprise. Nous avons un esprit d’entrepreneuriat très fort. L’histoire de notre organisation commence en 1980. À l’époque, il n’y avait qu’un seul bureau alors que maintenant, nous comptons plus de 190 bureaux et 2 300 employés. Nous sommes le plus gros cabinet de courtage privé détenu par des intérêts canadiens et nous sommes très contents du fait que notre entreprise est familiale. Notre slogan est « Nous vous accueillons en famille », ce qui en dit long sur nos origines modestes dont nous sommes fiers, a-t-il souligné. Par conséquent, dès le début, Westland s’intéresse à la question de savoir si la culture du cabinet de courtage qu’elle souhaite acquérir s’intégrera bien à la sienne, a-t-il ajouté.
Avant la pandémie, notre stratégie pour gagner la confiance reposait surtout sur la tenue de rencontres en personne, que ce soit pour les premiers contacts, la conclusion d’une affaire ou l’intégration du cabinet acquis. Cependant, en raison de la COVID-19, tout notre processus d’acquisition, soit dès le moment où nous rencontrons le cabinet que nous songeons à acheter, y compris parfois la première fois que nous entrons en contact avec lui, a été mené davantage en mode virtuel. Ce mode de fonctionnement nous a rendus plus efficaces et nous permet de tenir les réunions initiales auxquelles nous convions les membres d’un cabinet nouvellement acquis afin de leur présenter les membres des équipes du siège social qui leur apportent un soutien actif et de tenir des réunions de suivi. Cette façon de faire s’avère très efficace, bien que nous préférions ménager des rencontres qui se font tantôt enpersonne, tantôt à distance, selon le contexte », a expliqué monsieur Mackie.
À l’instar de BrokerLink, le jour suivant l’annonce de la vente par le vendeur à ses employés, tout le personnel est convié à une réunion à laquelle participent le chef de la direction et d’autres cadres de Westland. « À cause de la pandémie, ce genre de réunion se fait souvent maintenant à l’aide de Zoom. Toutefois, les nouveaux employés peuvent disposer du soutien du responsable régional qui se trouve dans le secteur. Nous nous sommes rendu compte que nous donnions ainsi aux employés du cabinet nouvellement acquis l’occasion de rencontrer plus de membres de notre équipe de direction et que nous parvenions à réduire notre empreinte carbone, ce qui est important pour nous », a-t-il déclaré.
La clé d’une fusion réussie
Mme Krunic croit que l’attrait que BrokerLink présente pour d’autres cabinets de courtage est imputable à sa stratégie d’acquisition. « Les acquisitions que nous avons réalisées repose d’abord, dans une certaine mesure, sur les valeurs communes, surtout en ce qui concerne les gens. Nous avons constaté que les propriétaires qui cherchent à vendre leur entreprise veulent souvent vraiment s’assurer que nous nous occuperons bien de leurs clients et de leurs employés », a-t-elle mentionné
La stratégie de Westland est de trouver des entreprises qui s’intégreront bien à la sienne. « Lors de la vérification au préalable, nous nous entretenons avec les courtiers pour voir si, culturellement parlant, leurs valeurs sont au diapason de celles de Westland. Plus précisément, nous cherchons à savoir si le cabinet de courtage a fait ses preuves, a une bonne relation avec les assureurs et a une forte présence dans la société. Nous avons tendance à cibler les régions rurales et notre objectif est d’être un partenaire authentique et engagé au bénéfice de la collectivité. Selon nous, cette conception des choses concorde bien avec celle de bon nombre de cabinets de courtage en contact étroit avec la population. Nous tenons compte tout autant de ces éléments que des données financières », assure M. Mackie.
Sur la question de savoir comment BrokerLink détermine le succès d’une acquisition du point de vue des gens, Mme Krunic affirme que la mobilisation des employés et les efforts poursuivis pour les garder sont cruciaux. L’entreprise emploie différents moyens pour inciter les employés à faire part de leurs commentaires. « Notre équipe locale et les gestionnaires de l’accueil et de l’intégration communiquent régulièrement avec les employés une fois l’acquisition réalisée pour leur fournir un soutien permanent, faire le point et aborder les questions soulevées. Pendant la première année qui suit l’acquisition, nous sondons le moral des employés par le truchement de points de contact effectués avec les gestionnaires, les dirigeants et le vice-président régional. À la fin de leur toute première année passée au sein de notre entreprise, tous les nouveaux employés qui se sont joints à l’équipe sont invités à participer au sondage annuel mené auprès de l’ensemble des employés d’Intact Corporation financière. Le sondage porte sur les processus de travail, sur le niveau de collaboration au sein de leur équipe, sur la performance du gestionnaire dont il relève, etc. C’est une bonne façon de recueillir formellement les impressions des employés provenant des cabinets nouvellement acquis », fait-elle remarquer. Le bilan de BrokerLink en matière de fidélisation du personnel est bon : le pourcentage d’employés nouvellement embauchés par suite d’une acquisition qui travaillent toujours pour l’entreprise au bout de trois ans est de plus de 90 %.
Westland évalue le succès de ses acquisitions à l’aide de différentes mesures, y compris le taux de rétention des employés, le volume d’affaires, et bon nombre de données financières. La réussite de l’intégration culturelle est évaluée en fonction des commentaires recueillis auprès des dirigeants et des équipes du cabinet qui a été acquis pendant la période d’intégration au groupe Westland et après cette période. Tout comme BrokerLink, Westland invite également les employés du cabinet nouvellement acquis à participer à son sondage annuel auprès du personnel afin qu’ils puissent donner leur appréciation sur leur sentiment d’appartenance et sur le soutien accordé par Westland. « Notre approche est de veiller sur les ressources dans lesquelles nous avons investi. Si nous nous y prenons correctement, les résultats seront au rendez-vous » déclare M. Mackie.
Les changements
« Étonnamment, la pandémie semble avoir été un véritable point tournant pour certains cabinets de courtage qui n’osaient peut-être pas se prononcer sur la question de leur mise en vente. » - Tracy Krunic, cheffe de l’exploitation et vice-présidente des Ressources humaines, BrokerLink
L’incidence de la pandémie sur le rythme des acquisitions
Mme Krunic et M. Mackie sont tous deux d’avis que la pandémie a en quelque sorte accéléré la cadence des acquisitions. « La pandémie de COVID-19 a été un des facteurs qui a plutôt contribué à l’accélération du rythme auquel nous avons entrepris des acquisitions, explique M. Mackie. Toutefois, ce n’était pas la seule force contributive. La valorisation est très élevée à l’heure actuelle, et la surchauffe de la demande dans l’industrie de l’assurance a créé un contexte qui est très difficile pour certains cabinets de courtage. D’ailleurs, la planification de la relève s’est retrouvée au cœur des préoccupations de certains cabinets par suite des difficultés qu’ils ont connues en raison de la COVID-19. Les propriétaires qui croyaient pouvoir reporter de trois ou cinq ans la planification de leur relève se sont montrés plus empressés à cause de la pandémie. »
Mme Krunic est arrivée au même constat. Elle dit avoir remarqué que certains cabinets de courtage privés qui, quelques années auparavant, n’auraient pas été tentés par une fusion, ont peut-être été obligés en raison de la pandémie de prêter une plus grande attention à la planification de la relève. « Étonnamment, la pandémie semble avoir été un véritable point tournant pour certains cabinets de courtage qui n’osaient peut-être pas se prononcer sur la question de leur mise en vente. La pandémie a possiblement fait pencher la balance en faveur d’une mise en vente pour les cabinets de courtage qui, par exemple, avaient de la difficulté à implémenter des technologies, ou qui étaient confrontés à des défis sur le plan des RH. La pandémie a aussi exigé une certaine agilité, et certains se sont peut-être aperçus qu’ils n’y arriveraient pas tout seuls », conclut-elle.