Tour d'horizon trimestriel | hiver 2023
Par: Dafna Izenberg | Temps de lecture: 15 min
Dans le présent numéro, nous examinons comment les compagnies d’assurance innovent pour protéger les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales contre diverses menaces.
Un effort collectif pour faire sortir les céréales de l’Ukraine
En mai dernier, alors qu’il quittait son bureau du Lloyd’s, Chris McGill a lancé une idée qui éviterait bien des désagréments à l’ensemble de la société. « Ce serait génial, non, si on concevait un produit d’assurance pour faire sortir les céréales coincées en Ukraine? » a-t-il suggéré à un collègue. M. McGill, responsable de l’assurance sur facultés et de l’innovation en souscription pour le Groupe Ascot (une compagnie d’assurance du Lloyd’s), songeait depuis un moment déjà aux cargaisons de céréales qui traînaient dans les ports ukrainiens bloqués en raison de l’invasion russe. Avant la guerre, l’Ukraine fournissait chaque année 45 millions de tonnes de céréales au marché mondial. Son absence de la chaîne d’approvisionnement alimentaire a causé une hausse importante des prix des denrées alimentaires. Pour M. McGill, les compagnies d’assurance devaient saisir l’occasion et trouver une solution à cet enjeu. La tâche allait nécessiter à la fois créativité et collaboration. M. McGill possédait déjà de l’expérience dans ce genre de projet grâce à son rôle de souscripteur actif pour le partenariat public-privé Syndicate 1796, qui sert de point d’attache à l’initiative mondiale sur le mécanisme d’assurance en santé annoncée par le Lloyd’s et Parsyl (une compagnie de Denver, au Colorado) en décembre 2020. Cette initiative a rendu disponibles des milliards de dollars en garanties pour la distribution des vaccins contre la COVID-19 et d’autres fournitures médicales essentielles.
Le Groupe Ascot, responsable principal du mécanisme d’assurance, s’est associé au cabinet de courtage Marsh, chargé de la capacité subordonnée. Il a sollicité la participation de 20 autres compagnies d’assurance. « Nous estimions que le marché devait réagir, explique M. McGill. Nous voulions mobiliser le plus grand nombre d’assureurs possible pour offrir de l’assurance à des taux concurrentiels mais non exorbitants malgré le risque accru. » Selon lui, des primes d’assurance trop élevées auraient fait augmenter les prix des denrées alimentaires.
Avant la guerre, l’Ukraine fournissait chaque année 45 millions de tonnes de céréales au marché mondial. Son absence de la chaîne d’approvisionnement alimentaire a causé une hausse importante des prix des denrées alimentaires.
La création du mécanisme d’assurance des céréales de l’Ukraine a posé des défis particuliers. De multiples souscripteurs ont dû s’entendre non seulement sur la tarification de ce risque élevé, mais aussi sur la prise d’effet de la garantie. Chris McGill précise qu’avant la guerre, les contrats d’assurance couvraient habituellement les céréales pendant le transport par voie terrestre, y compris pendant le stockage au port. Toutefois, étant donné la volatilité de la situation actuelle, une telle garantie constituait un risque trop élevé : des événements sur le terrain ou encore des bombardements avaient le potentiel de retarder et faire pourrir les céréales ou de détruire les cargaisons. En fin de compte, les souscripteurs ont décidé de couvrir les céréales à partir de leur chargement sur un navire. « Dès que le chargement est terminé, les navires quittent le port, souligne M. McGill. Ils n’attendent pas. »
En fait, les navires attendaient depuis un bon moment déjà. Certains des navires qui transporteraient les céréales hors de l’Ukraine avaient jeté l’ancre il y avait huit mois. Habituellement, le contrat d’assurance sur corps impose une inspection de remise en service qui atteste du bon état de navigabilité d’un navire. En l’occurrence, l’inspection des navires aurait certainement été judicieuse vu leur immobilisation prolongée. M. McGill affirme toutefois que cette exigence ne semblait pas réaliste en raison de l’absence de personnel qualifié sur place; elle a donc été annulée. On espérait que l’équipage vérifie par lui-même la sécurité du navire avant le départ. Néanmoins, il fallait tenir compte de facteurs particuliers. Par exemple, en cas de panne en mer, si le navire devait se déplacer sans l’aide des moteurs, il dériverait peut-être vers une zone exclue du couloir sécurisé, y compris vers un champ de mines. « C’est pourquoi le risque était si élevé », soutient M. McGill.
Le produit n’a pas été utilisé ni publicisé pendant quelques mois. Comme Chris McGill l’avait compris dès le départ, le transport de céréales ne constituerait pas un risque assurable à moins que les parties en guerre s’entendent sur les modalités d’un couloir sécurisé. « Aucun membre d’équipage n’accepterait de s’aventurer sur la mer Noire sans une sorte d’accord sur la sécurité », ajoute-t-il. Son équipe et lui ont supposé, à juste titre, qu’une solution serait trouvée, alors même que les stocks de denrées alimentaires s’accumulaient, que les prix montaient en flèche et que la faim gagnait les populations.
Puis, le 22 juillet 2022, la Russie et l’Ukraine ont signé l’Initiative céréalière de la mer Noire. Négocié par la Turquie et les Nations Unies, cet accord permettrait le passage en toute sécurité de denrées alimentaires à partir de trois ports de la mer Noire : Odessa, Tchernomorsk et Yuzhny, tous sous contrôle ukrainien. Des bateaux-pilotes ukrainiens accompagneraient les navires sur la mer Noire, que l’Ukraine a truffée de mines marines, jusqu’au détroit du Bosphore en suivant un « couloir » déterminé.
Une semaine plus tard, le Groupe Ascot a annoncé le nouveau produit d’assurance. L’impact a été presque immédiat. « On a commencé à voir de multiples exportations chaque jour », déclare Chris McGill. Au cours des premières semaines, le produit a couvert environ 40 % des exportations quittant l’Ukraine. Une fois son efficacité prouvée (les clients étant satisfaits des prix et les céréales étant transportées sans incident), un marché est né et d’autres assureurs ont commencé à offrir des produits concurrents. M. McGill a bien accueilli cette concurrence : « Vu la raison d’être du produit, c’est génial. Il faut de la concurrence. »
Si le moteur d’un navire tombait en panne en mer et que le navire devait se déplacer par autopropulsion, il dériverait peut-être vers une zone exclue du couloir sécurisé, y compris dans un champ de mines.
N’importe quel courtier a accès au mécanisme d’assurance, qui couvre jusqu’à 50 millions de dollars de facultés. M. McGill examine toutes les déclarations, vérifie leur conformité et les lie au reste du marché. « Il s’agit d’un guichet unique pour le courtier, ce qui est assez rare pour un produit couvrant les risques de guerre », mentionne-t-il. Habituellement, tout le monde doit gérer ses propres déclarations et ses ententes de conformité. Cependant, le mécanisme se veut un processus très simple. Les courtiers s’y intéressent de plus en plus, car la couverture des polices existantes commence à s’effriter, les réassureurs refusant de continuer à couvrir les risques de guerre. Selon M. McGill, l’un des aspects positifs du mécanisme est l’absence de réassurance. Comme la garantie est répartie entre un grand nombre d’assureurs, le risque pris en charge par chacun d’eux est relativement petit.
Un autre aspect novateur et intéressant du mécanisme d’assurance des céréales de l’Ukraine est l’intégration des données de géolocalisation. Chris McGill explique que les compagnies d’assurance sur facultés ne savent habituellement pas quel navire transporte les cargaisons couvertes. « Des centaines de milliers de navires de charge se trouvent partout dans le monde, mais les assureurs ne savent pas combien de marchandises se trouvent dans les ports de Los Angeles, de Vancouver ou d’ailleurs. » Le nouveau mécanisme rend obligatoire l’identification des navires dans les formulaires de conformité pour que M. McGill soit en mesure de vérifier la validité des navires et la quantité de marchandises (il ne faut pas oublier que l’assurance prend effet au moment du chargement).
Avec ces renseignements en main, l’équipe de M. McGill a approché la société technologique Insurwave, qui se spécialise dans la localisation des navires en transit (souvent pour l’industrie de l’assurance sur corps de navire), afin qu’elle suive la position des navires transportant les céréales hors de l’Ukraine. La société a accepté de fournir ce service gratuitement. « Pour la toute première fois, je suis en mesure de voir tous les navires que j’assure dans la mer Noire et de connaître les coordonnées de latitude et de longitude du couloir sécurisé, détaille M. McGill. Cela me permet aussi de surveiller les accumulations. Par exemple, si plus de cinq navires attendent de franchir le détroit du Bosphore, j’ai accès à la valeur totale de leurs cargaisons. Dans l’éventualité d’une attaque stratégique, je peux ainsi déterminer mon exposition en temps réel. » Il peut aussi voir les remorqueurs positionnés stratégiquement le long du couloir – fait rassurant – pour venir en aide à un navire dont les moteurs cessent de fonctionner afin que celui-ci ne se retrouve pas en eaux dangereuses.
À la fin d’octobre 2022, la Russie s’est retirée de l’Initiative céréalière de la mer Noire. Le mécanisme d’assurance des céréales a donc été suspendu. Le Groupe Ascot a annoncé qu’il honorerait les soumissions déjà présentées, mais qu’il n’en ferait pas de nouvelles pour l’instant. Dans les coulisses, il discutait des plans d’urgence au cas où le couloir sécurisé ne serait pas rétabli. Il tentait plus précisément de déterminer le taux raisonnable à facturer en l’absence d’un engagement de la Russie à ne pas attaquer les navires commerciaux. Toutefois, la Russie est revenue à la table des négociations, ce qui a mené à la réinstauration du couloir. Le Groupe Ascot a immédiatement recommencé à faire des soumissions. Fin décembre, il a annoncé qu’il offrirait encore le mécanisme d’assurance pendant la nouvelle année, sans augmenter les taux.
L’année 2023 verra peut-être quand même certains changements. Le Lloyd’s a discuté avec le Groupe Ascot de la possibilité de couvrir les cargaisons d’engrais russes, un autre important produit d’exportation mondiale. « Il faudra établir un couloir sécurisé de l’ONU, précise Chris McGill. Quels ports russes sont sûrs? Comment seront-ils protégés? » Voilà quelques-unes des questions qui devront être examinées. Malgré tout, l’infrastructure est là, le mécanisme a prouvé son efficacité et les compagnies ont montré qu’elles sont prêtes à s’associer et à partager les risques afin de résoudre des problèmes mondiaux. De plus, l’offre d’une garantie à la Russie pourrait rendre les choses un peu plus sûres pour tout le monde. « Vladimir Poutine ne pourrait alors pas se plaindre qu’il est victime d’iniquité. »
Les défis et possibilités de la chaîne d’approvisionnement alimentaire mondiale en 2023

le porte-conteneurs Ever Forward s’est échoué dans la baie de Chesapeake au printemps dernier, Asian Pacific Seafood a dû faire face à une perte possible de 340 000 $ en chair de crabe pasteurisée. Le navire est resté bloqué pendant plus d’un mois; le transport a pris au bout du compte 103 jours, soit environ le double du temps prévu (de 45 à 60 jours). La chair de crabe risquait de pourrir si elle était exposée trop longtemps à une température trop élevée.
Heureusement, Asian Pacific Seafood possédait la preuve que la chair avait été conservée à une température suffisamment froide tout au long du transport. L’importateur de fruits de mer avait souscrit une assurance auprès de Parsyl, une entreprise de Denver qui se spécialise dans les cargaisons de biens périssables et fait un usage novateur de la technologie. Parsyl avait fourni à l’importateur un appareil qui a voyagé avec la cargaison et qui a surveillé en tout temps la température ambiante. Lorsque le navire a finalement accosté à Baltimore, les données ont été téléchargées et ont convaincu le client et la Food and Drug Administration que le produit était propre à la consommation. Comme aucun aliment n’a été perdu, aucune demande d’indemnité n’a été présentée. « Il semble qu’aucun autre conteneur de biens périssables qui se trouvait sur le navire n’était en mesure de rendre ces données accessibles lors du déchargement, affirme Gavin Spencer, chef de l’assurance à Parsyl. La plupart de ces biens ont donc été détruits, car aucune donnée ne permettait de prouver leur salubrité avant leur passage à la prochaine étape de la chaîne d’approvisionnement. »
La vulnérabilité de la chaîne d’approvisionnement […] a été nettement mise en relief pendant la pandémie.
Cet exemple illustre l’une des façons dont les compagnies d’assurance s’adaptent aux nouvelles réalités de la chaîne d’approvisionnement alimentaire mondiale. Il s’agit d’ailleurs du thème abordé dans le rapport From farm to fork, que le Lloyd’s a publié sur sa plateforme Futureset à la fin de 2022. Cette plateforme, lancée dans la deuxième année de la pandémie de COVID-19, se veut un forum d’exploration des moyens permettant de mieux protéger les clients contre certains des risques les plus complexes au monde. La vulnérabilité de la chaîne d’approvisionnement fait partie de ces risques, et elle a été nettement mise en relief pendant la pandémie. Le rapport révèle que la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d’habitants d’ici 2050 : cette croissance, tout comme la croissance continue de la demande des consommateurs, nécessitera une augmentation de 70 % de la production alimentaire. Si elle veut produire et distribuer suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir la planète, la chaîne d’approvisionnement (de la ferme à la fourchette) devra trouver des moyens d’améliorer sa résilience face aux risques.
Le rapport s’appuie sur les résultats d’un sondage mené auprès de 250 gestionnaires de risques du secteur des aliments et des boissons. Les gestionnaires ont décrit certains des principaux défis de la chaîne d’approvisionnement auxquels ils s’attendent à faire face au cours des deux prochaines années, notamment les pénuries de conteneurs, de chauffeurs, de matériaux d’emballage et de matières premières, le stockage de produits, l’achat en grandes quantités dicté par la panique, ainsi que les changements de réglementation. Ils ont également parlé de la popularité des modèles d’affaires juste-à-temps, lesquels exercent une pression considérable sur la chaîne d’approvisionnement pour qu’elle achemine plus souvent et plus rapidement une quantité supérieure de denrées alimentaires.
Quant aux principaux facteurs de risque auxquels la chaîne d’approvisionnement est exposée, les gestionnaires des risques sondés ont indiqué que les risques environnementaux, les changements climatiques, les phénomènes météorologiques violents ainsi que le coût et la disponibilité des intrants constituaient les grandes menaces externes. Lors d’entretiens individuels, ils ont abordé en détail sept domaines de risque principaux : la disponibilité de la main-d’œuvre, les pressions économiques, les changements climatiques et la durabilité, les risques politiques et géopolitiques, la technologie opérationnelle, l’évolution de la demande et le transport.
En ce qui concerne la manière dont les compagnies d’assurance peuvent aider les clients à renforcer leur résilience face à ces risques, le rapport mentionne deux éléments clés : les produits d’assurance paramétrique et l’importance des données. Le produit de Parsyl qu’Asian Pacific Seafood a acheté est un bon exemple de combinaison de ces deux éléments. Il s’appuie sur des paramètres précis, établis à partir des connaissances sur l’entreposage et la détérioration des aliments, qui permettent de définir un sinistre donnant droit à une indemnité. Il s’accompagne également d’un dispositif qui recueille les données permettant de déterminer si les paramètres d’un sinistre ont été atteints. Gavin Spencer fait une distinction entre l’assurance paramétrique et les déclencheurs paramétriques. L’assurance paramétrique règle automatiquement un sinistre à partir des données, comme Parsyl l’a fait pour son client Niceland Seafood, une entreprise islandaise. Lorsque les données recueillies par les capteurs de Parsyl ont indiqué qu’un retard dans le transport aérien signifiait que la morue expédiée de Reykjavik à Los Angeles était insalubre après être restée trop longtemps au chaud sur une aire de trafic, la compagnie d’assurance a viré une indemnité à Niceland Seafood en quelques heures. En revanche, un mécanisme d’assurance basé sur des déclencheurs paramétriques ne règle pas automatiquement un sinistre. M. Spencer croit que ce mécanisme convient mieux à l’industrie de l’assurance puisque les compagnies ne peuvent pas toujours maintenir des provisions importantes pour un virement immédiat.
Le mécanisme d’assurance basé sur les déclencheurs paramétriques élimine le besoin d’analyser le sinistre lors de la présentation d’une demande d’indemnité puisque celui-ci a déjà été défini. « L’assurance se concentre sur un événement qui peut générer un sinistre, précise Gabriel Gross, fondateur de Meteo Protect, une compagnie d’assurance acquise en 2020 par le cabinet de courtage Cooper Gay, où il occupe maintenant le poste de directeur de la division des solutions d’assurance paramétrique. Autrement dit, elle comporte une description détaillée de l’événement assuré. »
Un contrat d’assurance intégrant de telles mesures précises est très utile dans un monde qui connaît des événements météorologiques imprévus exposant la chaîne d’approvisionnement alimentaire à un risque important. Selon M. Gross, pour conclure un contrat d’assurance contre les sécheresses et les ouragans, il faut d’abord définir ces événements : « Le libellé inclura une définition d’un ouragan en précisant la région géographique, la période de l’année et le niveau de densité selon la catégorie ou la vitesse du vent. Tous les paramètres figurent dans le contrat. »
Quant aux principaux facteurs de risque auxquels la chaîne d’approvisionnement est exposée, les gestionnaires de risques sondés ont indiqué que les risques environnementaux, les changements climatiques, les phénomènes météorologiques violents ainsi que le coût et la disponibilité des intrants constituaient les grandes menaces externes.
Les contrats d’assurance paramétrique, qui visent souvent des événements ou des saisons en particulier, sont parfois très limités dans le temps. Le contrat le plus court dont Gabriel Gross s’est occupé couvrait une grande fête sur la plage pendant le Festival de Cannes; l’entreprise voulait une garantie contre la pluie. « La durée du contrat a été de sept heures », mentionne-t-il. Heureusement, il a fait beau ce soir-là.
Souvent, le client aide à déterminer les paramètres d’un contrat. Le cabinet pour lequel travaille M. Gross collabore avec des exploitants de parcs solaires en Amérique latine, qui participent à l’élaboration de leurs propres contrats. Ainsi, ils décident de la façon dont le rayonnement solaire est mesuré, de leurs franchises et de leurs montants de garantie. L’équipe de M. Gross évalue et tarifie ensuite le risque. « Il s’agit d’un processus très collaboratif », souligne-t-il. Les compagnies d’assurance doivent faire leurs devoirs pour comprendre elles aussi l’énergie photovoltaïque et le rayonnement solaire. Selon M. Gross, le temps investi n’est pas perdu : une fois que les compagnies ont de l’expertise dans ce domaine, elles peuvent travailler avec de nombreux autres clients sur des contrats connexes.
Les données utilisées dans les contrats d’assurance paramétrique permettent aussi aux clients d’améliorer leur résilience et d’éviter les risques. Grâce aux graphiques générés par Parsyl, qui montrent les températures tout au long d’un trajet, par exemple, Niceland Seafood a découvert des points de vulnérabilité. Même si ces points ne rendent pas le produit inutilisable, l’entreprise est dorénavant en mesure de prendre des décisions éclairées sur les itinéraires et transporteurs.
Gavin Spencer affirme que les données sont très précieuses en assurance parce qu’elles fournissent une visibilité accrue sur l’ensemble du parcours : « En plus de savoir que le navire est parti le vendredi et arrivé le lundi, on peut dorénavant examiner tout le trajet entre ces deux jours. » Autrement dit, alors que les compagnies d’assurance ont traditionnellement apprécié les risques au moyen d’information anecdotique, elles sont de plus en plus en mesure de souscrire un risque en s’appuyant sur des faits, ce qui signifie qu’elles peuvent établir de meilleurs contrats et offrir de meilleures garanties. Par exemple, la garantie contre les retards a rarement été proposée dans les contrats d’assurance sur facultés, mais les données maintenant disponibles rendent cet ajout possible. « On peut examiner les ports, les terminaux et les itinéraires – des données publiques – et quantifier, surtout en ce qui a trait à la saisonnalité, le temps de navigation, les retards et la congestion portuaire, détaille M. Spencer. Notre entreprise a elle-même été en mesure d’offrir des garanties contre les retards à ses clients. Aujourd’hui, si le canal de Suez était de nouveau bloqué, un client pourrait obtenir une couverture contre tout retard qui découle de cet événement. »
Par ailleurs, la technologie des données est utile aux compagnies d’assurance de la chaîne d’approvisionnement mondiale pour régler le problème de la déclaration inexacte des marchandises. Ce problème a longtemps miné l’assurance sur facultés puisqu’une déclaration inexacte peut mettre en jeu la responsabilité de manière considérable. M. Spencer donne l’exemple de l’explosion, dans un port ou en mer, de conteneurs renfermant des engrais déclarés incorrectement. De nos jours, les nouvelles technologies qui utilisent des scanneurs et des ondes sonores pour confirmer le contenu permettent de limiter l’exposition des compagnies d’assurance aux sinistres catastrophiques et d’améliorer les garanties offertes aux clients.
Gavin Spencer soutient que la technologie permet d’offrir des produits souples et des prix dynamiques, ce qui rend l’assurance à la fois abordable et durable. « L’industrie de l’assurance a toujours été réactive, c’est-à-dire qu’elle évolue très rapidement lorsqu’il y a des réclamations. Je crois que les données peuvent changer la donne. L’industrie peut devenir beaucoup plus proactive en utilisant les données pour créer les produits de l’avenir et éviter les pièges importants. »